Coup de tête: Action irréfléchie, inspirée par le désir, le caprice, le désespoir…
Ça a quel gout les coups de têtes? Entre le roquefort et le bouquet de vieilles roses.
Non attendez, je me mélange, ça c’est le gout du vin orange?
Tout ça se mélange dans ma tête après ce week-end. J’ai pris la voiture, en me disant que Plaisance c’était pas loin, franchi les kilomètres, la frontière. Puis le nom est joli. Plaisance…
Ce sera l’occasion de boire du vin orange pendant deux jours, de faire mon premier salon, de découvrir des vignerons passionnants, de poser milles questions.
Ça a quel gout le vin orange alors? Éléments de réponses à un salon du vin orange, une trentaine de vignerons et deux jours mémorables

Une vieille ferme « sperimentale » la Faggiola, des italiens les verres pleins d’un liquide orange qui parlent politiques, un vigneron qui joue de l’accordéon en fumant une clope, le décor est posé.
On rentre, l’odeur d’alcool, le bruit de la foule, on se réfugie à l’étage. L’odeur de pain d’épice, le bruit des verres qui s’entrecognent. Haaaa on est bien.
C’est mon tout premier salon alors je m’approche un peu timidement, « qu’est ce que je vais leur dire? », « qu’est ce que je fais si je n’aime pas? », « Qu’est ce que je fais si j’aime trop et que je ne veux plus jamais partir? » ..
Puis finalement, quand un des premiers verres c’est ça, tout va mieux, l’église au milieu du village:

Encore que cette photo ne rend pas du tout grâce à la couleur folle de ce pinot gris. « Mais c’est pas tellement orange? C’est quoi cette couleur tuilé? ». Oooh on va en voir des choses dans ce salon, tout est du vin blanc macéré avec la peau. En terme de palette de couleur on va donc de ce marron à un orange éclatant.
Et en terme de gout? Ce pinot gris c’est du thé noir, c’est sec, très sec, des notes de fleurs séchées, légèrement épicé et une pointe d’oxydation. La première claque du week-end. Il y en aura plein d’autre
Il parait qu’il y avait une trentaine de vignerons, je serais bien incapable de parler de tous, déjà parce qu’on a pas réussi à tous les voir, et puis quel intérêt?
Mes souvenirs ils sont pour Gigi Miracol par exemple et ses vins oxydatifs « laissés un mois au soleil » mais surtout son accordéon et ses jongleries. « Oh c’est toujours comme ça quand il est là, il met l’ambiance »


La timidité et la gentillesse du vigneron de La Poiesa, « Non c’est pas pour la poésie, c’est le nom du terroir ».
Ca pétille un peu en bouche. Pourquoi? « Le vin est comme ça, goûtez cette bouteille, ce sera encore différent. »
Trois bouteilles, même millésime, même cuvée, toutes différentes. Le vin nature, propre mais sauvage. Je sais pas quel gout aura celui que j’ai ramené mais je sais qu’il sera bon
Un crochet par la Slovénie? Pourquoi pas, il y a du fromage sur sa table. UoU, « Consorzio dei vigneti abbandonati », tout en dégustant un parmesan qu’on ne pourrait trouver en France, il nous explique qu’ils s’occupent de vignes abandonnés qu’il sauvent, leurs redonnent une jeunesse puis en font des vins sans ajouts. Si leurs oranges sont très jolis, pleins de fruits exotiques, j’ai eu surtout une belle claque sur le Merlot. « Vous êtes français? Ça va vous plaire ça, comme Petrus! ». On en reparlera. En tout cas je meurs encore plus d’envie d’aller à la frontière Italo-Slovène.

« Je veux prendre une photo avec des français moi! ». Castello di Stefanago à mon avis c’est des faux rigolos. Sous leurs sourires, leurs tapes dans l’épaule et les embrassades ils produisent des vins très sérieux. Nature, sans intrants, sans aucun doute, mais précis. Des « bianco » frais, minéral, tranchant, des pétillants généreux en bulles mais avec une vinosité et une acidité merveilleuse, des « vini macerati » épicés, secs mais qui réussissent à être gourmand. Le rire et le savoir faire.
Puis la merveille des merveilles. « Vendemnia d’Autunno ». Des raisins gorgés du sucre des étés chaud, récoltés le plus tard possible. Une toute légère macération. Et un résultat indescriptible. « On essaie pas de concurrencer vos Yquem ». On est très loin de l’image que j’ai des vins doux, une impression de sécheresse en début de bouche qui vient être résolu par un bonbon qui se pose sur la langue, enveloppe le palais. Ça danse en bouche. Ce vin crée une tension par son entrée et la résout de lui même. C’est peut être pas clair. On avait le palais plein de dizaines de vins, Vendemnia d’Autunno a nettoyé tout ça, légèrement brûlé, juste pour donner envie de boire, avant d’apaiser cette sensation au moment où il se révèle doux. Puis une longueur avec tout le bouquet qu’on les vins de macérations, des épices, du fruit confits. Monstrueux

Autant dire qu’on devait avoir un sourire niais quand il nous a pris dans ses bras pour une photo.

En voyant cette photo je me dis que l’évidence aurait été de lui demander pourquoi ces noms grecs… C’est même pas venu dans la discussion géniale qu’on a eu. Pistis Sophia fait partie de ces vignobles où j’ai pas d’autres mots que « folie » pour en parler. Pourtant c’est le pire mot possible. Sans aucun doute pas une once de folie chez le vigneron, au contraire c’est très sérieux, très sensé, très réfléchi. Mais a Pistis Sophia on magnétise le vin. Les limites de notre italien nous trahissent ici car je suis pas sur de bien comprendre comment. L’objectif à priori est de rendre le vin encore plus vivant, plus riche. Et, au premier verre sans savoir encore tout ça, on s’est exclamé que c’était l’Orange le plus surprenant du salon, extrêmement vert, l’impression de croquer dans des herbes de Provence. « Mais non, c’est très simple ».
Je sais pas mais c’est bon. Et c’est un bon exemple de la douce folie de ce salon, beaucoup de vignerons peu connus, des jeunes qui tentent des choses, des vieux sages qui suivent la tradition et Gigi Miracol qui jouent de l’accordéon à ses vins.
J’imagine que tout ça peut prêter à rire, déjà que le vin nature et peut être encore plus le vin orange font sourire. Ma présentation joue dessus en plus, comme chez Rapatel, je suis désarmé par cette ambiance, ça bouge dans tout les sens, ça bouge les sens, ça pétille d’idées, d’envies et d’énergies. Ça pétille dans nos verres. Parce qu’évidemment l’essentiel, j’imagine, est ce qu’on boit. J’imagine. Et si c’est ça le plus important alors ce salon était une réussite. Si ce qui est réellement essentiel c’est les rencontre alors ce salon était fou.
Mais il fallait bien partir. Oh on avait pas envie. On s’est posé sur une table dehors, pour profiter encore un peu de l’air italien. Un air aux notes épicés et fruité. Je m’abstiendrais bien de répondre à la question « Quel gout ça a le vin orange? », ce serait comme essayer de dire quel gout a le vin blanc. Mais ici à Podenzano on a pu voir la profondeur de la palette de cette couleur.
Et puis le meilleur pour la fin. « Here’s a present for you guys ». Le mec qui nous pose une bouteille de son vin, l’air de rien, c’est Claudio de la Distina. Peut être le vigneron le plus jeune de ce salon, la trentaine, visiblement bien content de voir des jeunes et pas que des « bureaucrats ». Il s’est installé il y a à peine quatre ans, pendant « le pire millésime possible », avec la volonté de faire « tout simplement », les vins qu’il aime.
Ce vin il porte le nom de sa grand mère, il est dans nos verres qu’on porte à nos lèvres, il porte nos sourires tout le long de ce week-end. « And you drink it now, right now! ». Et Claudio s’en va, nous laisse sur la terrasse de la Faggiola. Nous laisse profiter du vin le plus instantané, évident du salon. Une explosion de fruits exotiques, de fruit de la passion, de mangue.
Le vin plaisir.

Mon grand malheur c’est que je ne parle pas de tout le monde. Faute d’être réellement capable de mettre des mots sur des échanges trop court, sur des vins bus alors que j’étais bien trop fatigués. Alors on reviendra sur certain, sur ceux dont j’ai emporté des quilles, sur ceux qui traverseront mes souvenirs par surprise.
J’y reviendrais.