-Francese?
-Si
-Come here Asterix, you’re gonna see something amazing »
Un Italien dans un bar
Bon, on a assez dit qu’il y avait quelque chose de magique autour du vin. Ce blog ne parle que de ça, la Bible et Baudelaire aussi.
Peut être à voir avec ses senteurs d’encens, sa couleur ténébreuse, son gout de mystère. Sans doute avec sa facilité à rapprocher les gens.
Ce soir là il y avait un peu de tout ça. Une femme de vigneron italien, quelques restaurateurs, un français, une néo-calédonienne, un Australien, Dieu et Baudelaire
Autour d’un seau à glace et trois bouteilles cachées sous un voile noir.
Du vin, du mystère et des hommes
Après ce verre de Barolo je pensais la soirée finie. J’avais bien mangé, déjà bu un vin magnifique, rencontré des gens sympathiques et bien ri. La journée aurait pu se finir là qu’elle aurait déjà était parfaite.
Alors en sortant je regarde d’un air amusé mes rencontres d’une journée s’affairer en terrasse. Ils ont bien bu, ça se voit, ils ont une bonne longueur d’avance sur nous, mais ils ont de l’entrainement. Il y a dans le tas des restaurateurs qui auraient gagnés le prix de l’osteria de l’année, un instagrameur sur le vin et tout le petit monde dans mon genre qui navigue autour du milieu du vin. Je ne sais pas ce qu’ils font. Il s’échangent des billets de 50, rigolent, semblent se taquiner en italien, l’un d’eux prend une carafe plein de vin orange et en boit une lampée. La nuit est pleinement tombée, noire, sombre mais agréable. Le temps est bon et doux.
Une scène de film. La dolce vita qui aurait oublié l’amour et la légèreté et n’aurait gardé que le plaisir.
Alors que je vais pour leur dire au revoir un des restaurateurs me lance un regard de défi. « You liked our bottle? ». Un peu inquiet de ce que signifie sa question je lui répond que oui.
« Oh you’re about to love this »
Et il rigole en apportant trois bouteilles masquées par des chaussettes.
Et on est pris dans la folie de l’hospitalité italienne…
Je n’avais jamais fait de dégustation à l’aveugle. C’est vrai, vous lisez des articles écrit par quelqu’un qui n’avait jamais fait ça, ni de salon, j’ai même jamais bu de Bordeaux. Mais je me soigne, doucement. Sauf pour le Bordeaux..
L’avantage de la nuit, de la frontière de la langue, de leur folie et de mon calme de celui qui pense qu’il va bientôt dormir me permet de boire tranquillement, sans avoir à essayer de mettre des mots, sans avoir peur de dire des conneries.
Je peux donc librement tendre mon verre, qu’on remplit généreusement. Une fois, deux fois, trois fois.
Wow…
C’est bon. J’aime. C’est la seule chose que j’ai su repindre quand on m’a demandé ce que j’en pensais . « Mi piace ».
Mais encore ?
Les trois sont des bulles. J’imagine que ce doit être des Spumante. Ne sachant pas le but de cette dégustation je me demande si la deuxième bouteille n’est pas un Champagne qu’il faudrait reconnaître au milieu des pétillants italiens. Avant que Fulvio m’explique qu’un certain Nicola Gatta fait partie des membres de cette drôle d’assemblée. Il est vigneron. Et un de ces vins est le sien. Les autres connaissent bien ces trois vins et doivent deviner lequel est de Gatta et voir si à l’aveugle, sans sentiment, il sort du lot.
Le premier, à posteriori, n’est pas une claque. Je suis heureux de le boire, comme une petite souris qu’on invite à participer à une fête qu’elle pensait juste regarder de loin, ses notes de pailles me surprennent, mais il est dissocié, comme pas à sa place dans une ambiance trop folle pour un vin très sérieux.
Le deuxième, en arrogant petit francese, c’est du Champagne. C’est élégant, pure, net, ça appelle des huîtres, c’est légèrement salin, le gout de paille disparaît du verre pour laisser place à la poire, la mirabelle, l’amande en toute fin. Tout est en finesse, en nuance,toute la ville de Plaisance se tait pendant que l’on boit ce verre. Plaisance…
« Is this Chardonnay? » demande la nouvelle Calédonie, « please wait » répond l’Australie.
Et le troisième? C’est sauvage, fougueux, plus rustique peut être mais avec plus d’énergie, de passion, d’envie. Les bulles tapent contre le palais, ricochent, heurtent un peu mais cajolent ensuite, réconfortent, apaisent. L’alcool s’invitent à la ronde des saveurs, il est mordant, puissant, enivrant. Et puis une longueur… une longueur… L’Italie.
Moment de révélation:
Des cris dans la rue noire et vide, encore plus de rire, une personne la mine défaite, et des rires encore. « Ooooh Nicola! »
On me présente Nicola Gatta. Enfin on présente « Astérix » à Gatta.
Son vin c’est le troisième. Il a l’air content de lui. J’imagine qu’il peut. Je bafouille un remerciement pour son vin. Il me regarde l’air surpris, me dévisage, avant d’ouvrir un énorme sourire et de dire dans dieu sait quelle langue. » Memoria (la deuxième bouteille) est meilleure ce soir non? »
Je sais pas. Si j’ai rebu du Gatta dans la soirée en traînant à ses cotés j’ai plus revu un verre de Memoria passer. Memoria c’est bel et bien du Chardonnay, tout le monde est d’accord pour l’élire meilleur des trois.
Je donne la médaille du plus marquant à Gatta par contre. Et pas juste pour le remercier des autres bouteilles qu’il allait ouvrir ensuite. Mais parce qu’il a la fougue de ce que je crois être les immenses vins.
Par contre, à la fin de la soirée, au début de la journée, je suis tombé sur une bouteille seule, laissée là au hasard. J’en ai bu la dernière goutte, seul, au hasard. Au calme. Cuvée 60, la première bouteille, était bien plus à sa place, toujours aussi peu bavarde mais plus agréable, plus appréciable. Toujours aussi sérieux.
Avant ce dernier verre il y a eu beaucoup de « juste un dernier alors » dans une langue que tout les amateurs de vin du monde comprennent. Beaucoup de pétillants, du Champagne aussi, pour faire plaisir au francese, pour encore prouver que l’Italie n’a pas à rougir surtout.
Le lendemain des photos pleins le téléphone, des bouteilles sans nom, des visages flous. Compliqué de remettre des émotions, des goûts sur la plupart des vins.
Soirée la plus folle de ma vie dont je vous laisse en lecture que le plus raisonnable. Le reste ne serait que « Ooooh mi piace! ».
Reste des souvenirs qui me donneraient presque l’impression de savoir parler italien.
Est ce qu’une fois que j’ai bien bu du spumante je deviens bilingue?