All’Utopia, Pié Franco

« Je veux pas faire le malin. Mais c’est un grand privilège de boire ça. »

Fluvio

La soirée est déjà bien entamée, on a bien mangé dans un « gastropub » à Plaisance, on a déjà bien bu. Je vais pour payer au bar, on s’attarde un peu sur les bouteilles, l’air rêveur. Fulvio passe par là, il s’arrête, nous demande comment s’est passé le repas. Fulvio on l’a rencontré plus tôt dans la journée, au salon du vin orange. Il a travaillé au Domaine Milan quelques jours, il y a quelques années. Et là il sirote des vins avec des restaurateurs italien. Ils ont l’air de passer une soirée folle, les bouteilles s’enchaînent.

Je lui demande s’il peut pas me recommander un dernier verre. Il me regarde comme si j’étais fou, réfléchit un instant et me chuchote « attends deux secondes ».

Il arrive, un verre à la main, me le tend un peu fièrement, comme s’il m’avait servi un trésor. « Je veux pas faire le malin mais tu me remercieras de t’avoir servi ça ». Et il repart tout fier de lui.

Ça avait un gout de mystère incroyable, de ces vins qui savent que tu ne les reboiras jamais et qui en profite pour te surprendre pour toujours.

J’ai rejoins leur table, timidement, pour voir ce que c’était.

Il y avait cette bouteille au milieu de la table:

La suite de la soirée m’empêchera d’en savoir plus sur ce vin, j’allais être pris dans une ambiance bien trop folle pour qu’on laisse un francese poser des questions à chaque verre qui allait être servi.

Alors en rentrant j’ai regardé sur internet, j’ai vu des prix hallucinants et ces mots  » fieri come un inno al coraggio e all’utopia « 

Et un mois plus tard j’ai encore le gout de ce Barolo contre mes lèvres.

All’utopia

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Au Hasard et Souvent

Au hasard et souvent

Ces derniers temps

Beaucoup de Terres Promises


A ma guise

« -Je vais vous reprendre un verre tiens

-À ma guise »

Elle est curieuse la réponse de ce sommelier. Mais elle est réussie.

C’est parfois compliqué pour un vin de se montrer quand il est associé à un repas excellent. Il pourrait se faire étouffer par la qualité d’une meringue à tomber par terre par exemple.

A ma guise tape du point sur la table. Il est acide. A ma guise rigole un peu fort. Il est très fruité.

Il n’en fait qu’à sa tête. Il change tout le temps. En un verre, qui accompagne le plat de résistance et le dessert il passe du piquant au doux. Pas toujours quand il faut, comme il faut, c’est un vin de copain déjà bien alcoolisé, il ne s’adapte pas, il est là.

Il s’exclame « à ma guise »

Enfin c’est très bon, très frais et le repas était excellent quoi. Faut suivre

Âme qui vive

Sans doute bu trop jeune, dans l’année. On sent le fruit superbe, une densité et une complexité mais c’est gâché par un désiquilibre vers l’acidité. Je réserve mon jugement, je pense qu’on en reparlera après quelques mois.

Cela dit ça porte parfaitement son nom. Y a une âme la dessous, y a du bon vin qui vit.

A Bouche que Veux-tu

C’est comme ça qui faut la boire cette cuvée, c’est peut être comme ça qu’il faut vivre. A bouche que veux tu… Que ce nom est beau, que ce vin est bon. Tout en caractère. C’est tendu et nerveux que veux tu mais gras et accueillant en bouche. Onctueux, caressant et tonifiant.

C’était dans un bar bien trop plein de néons pour être jolis, un serveur bien trop énervé pour donner envie de boire, un endroit bien trop classe pour en être encore vivant.

Et pourtant. Il suffit de ce vin, pile quand minuit passe, pour tout remettre à l’endroit. Tout fait sens parfaitement. Dommage, la bouteille est trop courte. Encore s’il vous plaît.

Analepse

On remonte dans le temps. C’est plus sec, moins profond qu’à bouche que veux tu. Plus préhistorique peut être.

Dans l’efficacité. Ce qu’on gagne en tonicité et en énergie on le perd en élégance. Je ne suis pas sur qu’on y perd vraiment au change au final. Deux envies différentes.

Enfin ça marche parfaitement quoi, ça roule même dans la gorge, avec un petit frappé qu’ont ces vins blancs mordant et un peu amer. Une drôle d’histoire d’amour à l’envers mais la quille s’envole à toute vitesse. On reprendrait bien depuis le début


Au hasard et souvent

Les verres se vidant…

Domaine Milan, des vendanges sur un petit nuage

Kumo : Nuage


Je sais pas si mes sens sont complètement perdus à 6 heures du matin ou s’ils n’ont jamais été aussi affûtés mais la route entre Arles et St Rémy sentait le miel et le romarin.

Je devais rêver de tisane mais les raisins n’attendent pas.

Premier jour de vendange. Ce sera une parcelle vers Eyragues, « on prend un peu de recul pour mieux voir les Alpilles ». C’est un bon jours pour commencer à ramasser le raisin, de légers nuages et un vent frais nous protègent.

Le raisin à 7h du matin, avec le soleil qui se lève, la peau pleine de rosée…

« Vous avez vu le lever de soleil? Perpendiculaire aux vignes, leurs ombres vers le mas… Les fans de nombre d’or sont aux anges avec cette parcelle…

Enfin c’est magnifique quoi »

Henry Milan

La récompense pour les vendangeurs.

A droite le Grand Blanc 2016, Grenache Blanc, Rolle, Roussanne, Chardonnay et Muscat. « Cette année on devrait avoir un très très grand Blanc, les raisins étaient magnifiques »

A gauche le Kumo 2018, création de Théo Milan, dont la mise en bouteille vient juste de se faire. « 100% Grenache, on a été surpris par sa fraîcheur et sa simplicité. C’est le millésime qui est comme ça. »

En bouche aucune acidité, c’est désaltérant, ce gout de grenadine que l’Anglore peut avoir.

Juste de la fraicheur. Avec un léger fond un peu sombre, un peu plus complexe.

Un joli nuage


Par pudeur je vais faire l’impasse sur mes mains déchiquetées, mon dos qui hurle un peu.

Et on va garder le plaisir d’être dans les vignes, de participer, même juste un peu, à des magnifiques vins, au pied d’un endroit que j’adore…

 » Je me réveille le matin, je suis en accord avec moi même. Je respecte une terre magnifique, vinifie des raisins sains, je vends des vins que j’aime »

Théo Milan

Je me réveille le matin je suis en accord avec moi même. Je fais les vendanges.

Mas du Chêne, un bout de Toscane en Costières

Quand je passe dans une cave remplie de Grenache et de Syrah au bout d’un moment je m’ennuie un peu. mon regard dérive. Vers cette bouteille de Ganevat Orange que je voudrais tant reboire, un rouge qui tache d’Espagne. Mais bon …

Non, mon oeil est accroché par un flacon, avec marqué en gros « Sangiovese »

Ooooh, du Chianti? La Toscane me manque, pourquoi pas?

Elle fait un peu piège à touriste cette étiquette non, la fontaine de Trévi, la Vespa? Je le sens pas. Regardons ça de plus près.

Mas du Chêne? Saint-Gilles?

On est en Costière…

Qu’est ce qu’il fout là ce Sangiovese, bien loin de sa Toscane?

« Ils sont un peu fou au mas du Chêne » me dira le caviste, « il est revenu d’un voyage en Italie fou du vin qu’il y avait bu, il voulait tenter l’expérience »

Je le comprends. J’ai un souvenir très ému du Chianti bu il y a quelques mois à Radda in Chianti. Du fruit plein la bouche, « du Cassis », très peu d’acidité, aucune lourdeur.

Ici on part dans une autre direction, on sent la barrique, c’est très vanillé, très agréable, très simple a boire car léger en alcool. C’est un gâteau, très sucré qui mériterait d’avoir une petite framboise à son sommet pour un peu de fraîcheur mais qui remplit parfaitement son office de dessert qui cale en fin de repas. On en reprend même un peu.

Très cool.

On sent peut être pas la patte du cépage, je suis un peu déçu de jouer autant sur le cépage, sur la surprise italienne pour finalement « masquer » le raisin par du bois. On est quand même plus près du Languedoc que de Rome.


Si le souvenir d’Italie n’est pas là c’est vraiment le genre de bouteille qui fait passer une bonne soirée, passe partout juste ce qu’il faut pour plaire à une personne pas amateur de vin, qui sublime un plateau de fromage.

Et puis on sort un peu de ce combo Grenache/Syrah que je bois trop.

Nickel

« Bienvenue chez Rapatel ! »

18h40: « Si vous cherchez un caveau allez au cimetière du coin »

22h30: « Prenez soin de vous les gars, rentrez bien, à bientôt! »


Sur une carte satellite quelques hectares de vignes coincés entre un aéroport, une ligne TGV, une base militaire et une autoroute. Le village d’irrésistibles version Costières de Nîmes. Après des ares et des ares de terres expropriés, de ceps arrachés. Gérard Eyraud est toujours là.

Et il nous accueil en slip et en crocs… Non mais c’est important! Ça donne le ton d’une soirée lunaire, entre humour décapant, savoirs passionnants et amours infinies.

Le domaine Rapatel je suis passé milles fois devant, je me suis quelques fois étonné de voir que de son drapeau Costières de Nîmes il ne restait que le poteau, je me suis posé des centaines de questions existentielles juste devant.

Aujourd’hui on s’est aventuré dans son chemin, sans vraiment se poser de questions, sans y penser, un détour sur le chemin du retour. On s’est garé contre un tracteur, on a entendu Gérard nous dire « restez pas là, rentrez », sans bien savoir s’il voulait qu’on rentre avec lui ou qu’on rentre chez nous, on l’a écouté nous parler de son vin.

Ou bien on a essayé d’écouter ses vins. « Ils me parlent, je les écoute, parfois ils ont des coups de blues », alors il leur met de la musique, entre Cabrel et Schubert, selon leurs envies. Et s’ils ne lui parlent pas ? « C’est arrivé, une fois, j’étais perdu, je comprenais plus rien, j’ai fermé la porte de la cave, je n’y suis plus retourné pendant tout un hiver… Et une moitié de printemps. Et puis j’ai bien du y retourner. Ils ont du se languir de moi, ils chantaient à nouveau »

Mais attention, il essaierait presque de nous faire croire qu’il n’est pas un sentimental. Tout ça « c’est que du jus de raisins fermentés », « ça fait poser des questions mes histoires, moi je m’en pose pas, c’est mon boulot de les écouter, je bosse »

Et on bosse comment chez Rapatel ? « C’est bien simple, moi je fais toujours tout tard. Je vendange tard, bien mûr, je mets en cuve tranquillement, par gravité, je pose le chapeau de la cuve, un peu d’azote à la limite. Et j’attends. »

« J’attends », c’est modeste pour un homme qui travaille non stop, ils sont deux sur le domaine, qui surveille très attentivement ses 40 cuves, qui maintient une hygiène impeccable, qui soigne ses vignes « avec des plantes de mon pays ».

Mais admettons. Il attend. Longtemps. « l’évolution du vin c’est un cardiogramme, il monte, il descend, il vibre. Je veux pas le figer. Il suit son cours, en hiver il fait 3 degrés ici, ça le filtre, là il fait 35 degrés, il mûrit ». Et il nous sert un verre directement à la cuve, à la température ambiante de ce mi Août gardois.

C’est incroyable.


Des cuves il y en a 40, « à peu près ». Entre jungle et cathédrale. En repensant à ses yeux émus en parlant de bourboulenc perdus, ses cuves remplis de millésimes où je n’étais pas forcément né sont peut être une bibliothèque. Une bibliothèque dont les livres s’écrivent encore.

« Il est un peu jeune celui-là ». On acquiesce, c’est un 2011. Une heure après s’être perdus dans sa cave le rapport au temps change, on parle lentement, on savoure, on écoute la lente mélodie du vin qui roule contre le verre, la voix de Gérard qui parle de comment il a redecouvert ses vins après un voyage en Asie. « J’ai découvert qu’ils avaient des goûts que je ne connaissais pas encore », « il faut pas être pressé pour comprendre le vin, enfin j’en sais rien, moi je sais rien »

« Demain on va mettre un peu de Carignan 2011 en bouteilles, une palette, puis on verra plus tard pour le reste. Ça presse pas ». « Combien de temps ils se gardent ? J’en sais rien, faudrait leur demander, les goûter « 


« On goûte un peu tout ça ? »

Je crois qu’il nous aurait ouvert toutes ses cuves, fait goûter « un vin d’un pote qui a ses vignes dans Nîmes », on s’est promis de revenir. Après tout c’est à 5 minutes…

En vrac on est vraiment sur des vins concentrés, avec toujours une intensité en bouche et une longueur folle. Toujours dans un équilibre précaire où il y a beaucoup d’alcool, beaucoup de fruit, beaucoup de sucre mais toujours une buvabilité infinie. Un éléphant qui joue au funambule mais ça passe, par un tour de magie étrange.

Ressortent, pour moi, ceux avec une petite dose d’acidité, un éléphant en tutu. La Petite Signature et Salomé, tout deux de 2014, »millésime surprenant, des vignes et des vins très enjoués », sont des petites bombes. Des vins de soif mûrs.

Arthur 2009 est peut être un rouge parfait. Sisi. Je sais pas ce que ça veut dire mais je le ressens comme ça. Sans pouvoir l’expliquer, juste de l’emballement émotif. Voilà que l’éléphant danse même le long de son fil. Un grand vin rouge sans aucun doute. « Il paraît qu’il y a des notes de vieilles roses », des vieilles roses sauvages alors, qui vont faire chavirer beaucoup d’amoureux encore.

Le Carignan est une énigme. Le 2009 comme le 2011, un alcool omniprésent, des fruits noirs à s’en étouffer . Puis la lumière au bout de quelques minutes à respirer, c’est plus tout à fait du vin, c’est un alcool nouveau, une invention Rapatel? « Le Carignan c’est magnifique, si t’en tire pas des hectolitres ridicules, il te raconte des vieux secrets ».

Et on finit par un blanc, me demandez pas pourquoi, le temps n’a plus de logique je vous dit.

Nadège 2010, on s’attend à un univers d’oxydation, à un goût de carton. Je pense qu’il se trompe et que Nadège est de 2018. C’est un univers de fraîcheur et de minéralité. Il vient nettoyer le palais patiné par le vin rouge, réveiller les langues endormies. On recommence à parler « il y avait la mer ici, mes vignes ont du sel à leurs pieds, je suis plus camarguais que Côtes du Rhône », ça se sent dans le verre, il y a une légère salinité qui ne donne qu’envie d’y revenir plus vite. « Tu bois trop vite toi, il a 9 ans, laisse lui le temps ». Et des fruits qu’on ne connaît peut être pas encore, je lis « ananas », « mangue ». Plus exotique encore.


« Bon, j’ouvre ça puis je vous fous à la porte, faut que les vins dorment « 

Un flacon de 50cl. Il sentira longtemps le bouchon. Il nous laissera la bouteille et plein d’autres, il nous laissera plein de « on se revoit bientôt » et de « vous savez moi si je suis pas là, je suis dans les vignes, ça nous fera une excuse pour promener ».

On se laissera sur cette bouteille. Du Carignan muté de 2005. « Le raisin était magnifique, sain, il fermentait, c’était magnifique. Puis il a commencé à crier, à partir trop loin. J’ai appelé un ami bouilleur de cru, il a fait les 5 heures de routes immédiatement, et dans la nuit on a fait couler de l’alcool »

Me demandez pas ce que c’est. Je lis depuis 24 heures des explications sur le Porto, le muscat ou la carthagene, je les comprends bien, je ne comprends pas comment ce que j’ai dans ce verre peut être aussi bon.


« Ils sont de bonnes humeurs ce soir » dit-il en sentant un verre. Je crois qu’on l’était tous dans la cave, nous de boire des vins si bons et d’entendre de si belles histoires, lui de parler à ses vins, ses petits enfants de courir dans tout les sens.

« Ça presse pas »…

Ocre Rouge, du Champagne dans le Gard ?

Son père fait du Champagne.

Son Grand Père le lui avait appris
Il fait du Champagne
À Dions, dans le Gard

On s’arrête tout de suite, évidemment, techniquement, ce n’est pas du champagne, c’est du mousseux, l’appellation Champagne est limitée à un territoire qui se trouve à 700 bornes de leurs ceps.
Oui mais.




Aymeric et Marceline Beaufort se sont installés en 1999 sur un plateau qui ressemble bien à un petit bout de paradis, où un léger vent frais court le soir et où la construction la plus proche est une vieille bergerie en ruine
Ils ont plantés leurs cépages, les vignes dont le vin coule dans leurs sangs, le Chardonnay et le Pinot Noir.


5 ans plus tard le premier millésime de  « La perle » était mise en bouteille
La perle est un mousseux dont la prise de bulle est faite en suivant la méthode champenoise. quelques mois plus tard on les degorge à l’aide de ces outils dont ma pauvre photo peine a rendre la beauté

Et c’est parfait. En connaissant l’histoire on ressent cette curieuse alchimie, le soleil du sud venant apporter un peu de puissance qui vient équilibrer l’acidité recherchée par le couple.

Aucune idée de si à l’aveugle on croirait un vrai champagne, l’intérêt n’est pas là, évidemment. La Perle est un vrai vin avant d’être un mousseux, un vin blanc classe mais loin d’être délicat, qui n’hésite pas à être plus démonstratif que ses bulles avec une belle attaque qui desarconne un peu si on s’attend à un vin précieux

Le domaine de l’Ocre Rouge propose aussi la perle noire, son mousseux rosé avec son bouquet de framboise et de fruits rouges. Lui aussi très affirmé et démonstratif, tout sur le fruit et ce petit quelque chose acidulé qui marque bien la parenté entre les deux perles.

A côté de ça le domaine offre une large palette de vin rouge, eux aussi très clairement nés de parents nordistes dans des terres sudistes. Un mariage toujours aussi admirablement fait, sans grand écart. Juste de légères notes acidulés qui viennent rendre la présence d’un fruit bien mûr plus agréable, plus digeste.


L’endroit est une vraie pépite, tout près de Nîmes mais déjà paumé dans ces paysages incroyables qu’offre le Languedoc, tout contre un charmant village médiéval et avec le gardon si proche.

Le vin y est pur, le plus naturel possible, sans prise de tête malgré sa parenté avec la Champagne. Aymeric à gardé le savoir-faire et à pris le meilleur du sud.

Des exilés qui profitent de leurs nouvelles vies en garrigue, en faisant des vins qui leurs rappellent à la fois leurs origines et qui portent la marque de cette nouveauté.

En toute discrétion …