Des Bulles Pour l’Été

Avec l’été les envies changent.

On’occupe ses journées et ses nuits différemment, on se nourrit exclusivement de tomates et de concombres. Forcément on boit différemment. Ma solution facile pour l’été c’est souvent les bulles. Ça rafraîchît, ça sublime une salade toute simple et ça donne envie de danser un peu.

Quelques quilles ouvertes avec le début de la chaleur:


Alain Voge, Les Bulles d’Alain

Parfois il faut faire confiance à son caviste, parce que cette étiquette…

Saint-Péray on est pas sur l’appellation la plus connue des Cotes-du-Rhône, petite appellation de moins de 100 hectares, uniquement des blancs et des mousseux, sur la rive droite du Rhône. Pourtant l’histoire de ce petit bout de terre en Ardèche est assez génial, historiquement on y ferait de la prise de mousse en méthode champenoise depuis le début du 19ème siècle, entre Cornas et l’Hermitage quoi…

Et bien ce « Champagne » ardéchois vers lequel je ne serais jamais allé de moi même est une belle réussite, le jus le plus complexe de cette sélection, une profondeur qu’on retrouve rarement dans les bulles d’autres régions. Un gras qui évoque le chardonnay.

La bulle qui laisse le plus pensif de ces 4 bouteilles, un vin sérieux sublimé par un joli pétillant.


Jo Landron, Atmosphères

Autre ambiance, autre fleuve, la Loire…

Il y a un trait que j’aime énormément dans le vin mais qui est délicat à expliquer.

J’aime que mes vins rappellent l’eau de source. Qu’ils aient cette clarté, cette facilité à boire. Ils laissent une bouche fraîche, un corps et un esprit apaisé. Ils vous permettent de parler et rire pendant des heures. Les vins du domaine d’Anglore, le blanc de Maule, l’Amethyste du domaine Hauvette ont ce trait là. Ça peut paraître l’opposé de ce qu’on attend d’un vin. Moi je crois que les plus grand vins désaltèrent, c’est pas forcément l’opposé d’avoir du corps et des tanins d’ailleurs. Même s’il faut pouvoir s’offrir un Chave pour trouver ce parfait équilibre rarissime…

Ici les bulles flottent sur la langue, caressent le palais, l’attaque en bouche est d’une rare discrétion avant que le vin apparaissent vraiment, presque une fois qu’on l’a avalé comme pour donner envie d’en reprendre. Une petite acidité, un alcool léger se développent et enveloppent la bouche.

Si on y pense. Sinon ça glisse tout seul on se ressert, on se désaltère, on s’amuse.

Entre la San Pellegrino et les grands champagnes si on accepte que ce soit un compliment.


Zanotto, Col Fondo di collina

Un virage vers l’Italie, un retour au Chardon. Comment voulez vous que je sois objectif?

Les bulles à l’italienne, pas filtré, pas dégorgé, une légère macération, un gros caractère et une petite acidité qui t’explose en bouche. Un peu méchant, plus sexy que discret. Ça tape quoi. Un gros tube italien des années 80 peut être.

Sur une petite pizette toute mignonne qui était une vraie bombe de basilic frais. Ça ouvrait un merveilleux repas et donnait de l’énergie pour tenir la soirée.


Chateau Barouillet, Splash

Retour en France, Splash. Je suis presque inquiet à l’ouverture, ça m’est déjà arrivé les petnat où la moitié du jus te part dans la gueule au moment de faire sauter la capsule. Ici tout va bien. C’est dans le verre que ça sautille.

Plein plein de bulles. C’est rare en pétillant naturel.

Pas forcément une explosion d’arômes, pas la complexité du St-Peray, pas la dentelle du Landron ni l’énergie de Zanotto mais des bulles par milliers, festif. Ça danse, ça rafraîchit, ça tangue presque quand l’alcool ressort un peu trop.

Quand on a pas peur de faire la fête alors que le soleil n’est pas encore tombé et qu’on frise les 35 degrés.

La Divigne, un dernier verre?

« Bon, un dernier verre et on va se coucher »

Le principe était simple, on se pointe à 20h avec mon amie, on fait la dégustation de deux vignerons, on mange en buvant l’un de leurs vins, on passe un bon moment, on rentre.

On avait pas prévu qu’on rentrerait le lendemain à 8h, ni que ce serait la dernière fois avant un petit moment qu’on sortirait comme ça. On se doutait qu’on allait bien boire, mais pas aussi bien.

Petit récit d’une bonne soirée.


Les invités d’honneur ce sont les responsables de ces quilles là. Lori du domaine du Petit Oratoire coté garrigue gardoise et Simon du Hameau Touche Boeuf pas loin de Condrieu. On commence par son blanc? Viognier, Marsanne, Roussane et Cugnette. L’explosion de saveur du Viognier mais sans lourdeur, vif, tranchant. Puis son blanc de macération, même assemblage, même sensation avec plus de gras, de longueur. Et le rouge? Syrah, Gamay, en grappe entière, ça vient amener une fraîcheur, une fin mentholée. Des tanins qui accrochent un peu aussi, qui marquent.

« Tu devrais vinifier en rafle entière ». Parce qu’on lui a glissé que j’allais essayer de faire du vin cette année, alors Simon il te parle avec une main sur ton épaule parce que « je suis un tout jeune vigneron alors mes conseils tu sais….Fais comme tu le sens ». Et Lori qui approche, qui te regarde droit dans les yeux et dit « Si t’as besoin d’un local pour vinifier compte sur moi ». Comme si on était de vieux potes, comme s’il y avait un lien. Ce lien c’est l’idée, presque au dessus de tout, qu’il faut qu’il y ait des jeunes qui se lancent dans ce métier, dans l’agriculture, dans la terre. « Moi on m’a pas vraiment aidé au début, alors je veux faire tout l’inverse », qu’il faut essayer, qu’il faut sortir une bouteille. Juste une.

Ou alors milles comme le Petit Oratoire! Lori il essaye plein de choses lui. Un vin Partouze mélange de neuf cépages, ni blanc, ni rosé, des longues macérations, des bulles rigolotes et au milieu de tout ça Jajatoes, le blanc festif parfait, clair comme de l’eau de roche. Il faudrait le boire à l’aveugle, s’arrêter un instant en se demandant d’où il vient ce vin, avant de comprendre que ça ne peut que être un fruit de la garrigue, thym, romarin, sarriette. Une tisane de soleil.

Comme on l’aime bien Lori on achète au restaurant/cave/bar une de ses bouteilles, TNT et comme il nous aime bien il vient la siroter avec nous. « y goûte pas mal mon vin quand même non? Moi j’aime bien ». Un pétillant mélange de rouge et de blanc. « Je les emmerde les champenois moi ». Ça pète bien en bouche, c’est bien nerveux. Ça aurait bien conclu la soirée. Comme prévu.

Sauf qu’on est maintenant à table avec deux vignerons et deux barmaids…

Y a des bouteilles qui traînent, on te remplit le verre. Le Pommard de Fanny Sabre, que dire? C’est beau, évidemment, un pinot noir magnifiquement travaillé, une appellation magique, une vigneronne « avec un touché, une sensibilité » selon la propriétaire des lieux. Pas toujours simple d’avoir des mots pour les choses juste belles, sans défaut et donc un peu sans accroche.

Et face à cette bouteille mes souvenirs oublient tout le reste …

Admirez la netteté de cette photo

L’Orangeade c’est triché, l’orangeade c’est branché un cable jack dans ma mémoire et voir le son que ça fait.

J’en parlais ici: Du vin orange? Ce vin c’est mon premier orange, c’est ma première obsession vineuse, c’est une de mes portes d’entrées vers ce monde de sensations. Presque les larmes en voyant cette bouteille. C’est comme ça, les bons vins rappellent les bons moments, les bons moments rappellent les bons vins. D’un seul coup, avec ce vin, on était au cœur de l’été, une chaleur étouffante, des rêves plein la tête. Ou alors on est au début du printemps, un début de musique sort du bar, des rêves en train d’être réaliser.

En un sens je suis content de pas avoir bu ce vin pendant 2 ans, mon palais a changé, des nouveaux souvenirs se sont construit. J’étais content de voir le chemin vineux parcouru. Un peu stressé, est-ce que j’allais aimer ce vin maintenant?

Oui. Oui, oui, oui. Oui!

Pas tout a fait comme mon souvenir doux et facile à boire, mais toujours orange, le zeste même, le coté légèrement râpant des boissons artisanales. C’est peut être pas le gout du vin, et alors? Est-ce un problème? J’en boirais des litres.

Puis, comme si cette soirée avait pour thèmes mes fascinations alcoolisées on passe sur du L’Anglore maintenant:

Le plus beau moment de mon année sera sans doute ce 8 janvier, autour d’un verre de Nizon du même Pfifferling, des mêmes, les enfants donnant désormais la main. Tout leurs vins ont un quelque chose de sublime, la pureté de ce que je crois être les grands vins. Même avec de la musique française des années 90 ce vin est sublime. C’est presque une bonne idée d’ailleurs tant tout les moments avec du l’Anglore touchent a la perfection, passez même du Sardou en même temps, ça ne ruinera rien!

Remarquez qu’on a abandonné toute logique et esthétique de dégustation, maintenant c’est au grès des envies de tout le monde, avec musiques et danses approximatives.

Puis toutes les heures on s’arrête au tour d’une bouteille, on se pose un peu à table, on en discute.

On est peut être resté un peu plus longtemps pour cette bouteille:

Les Grandes Teppes Vieilles Vignes 2010, de Ganevat, à l’aveugle. Nos voisins de table trouvent que c’est du Chardonnay mais sont en Bourgogne, je demande si c’est un vieux millésime, Lori ,lui, a un grand sourire.

« C’est le maitre du Jura »

Que c’est bon. Ganevat aussi il fait parti de mes grands moments de boissons. L’impression d’être dans un best-of de mes goûts. Mon palais explose de plaisir

L’explosion de bulles suit. La maîtresse des lieux aime finir avec un pétillant. Nous aussi.

Alors finissons trois fois:

Je sais pas ce que c’est, j’ai cette photo dans mon téléphone, le gout en tête mais aucune idée d’où sort cette bouteille. Enfin on va se dire que c’est un pétillant naturel venant d’Allemagne. Oui, je suis un gars plutôt malin.

Vin plutôt malin aussi, qui vient te rappeler que c’est d’abord du vin avant d’être un pétillant. Y a de l’alcool, une minéralité et une salinité. Grand vin blanc. Avec des jolies bulles. Bien brut de décoffrage quand même, moins mignon que son étiquette.

Ça vaut un champagne? La question elle est facile, elle a pas beaucoup de sens. De toute façon pas grand chose ne vaut le verre suivant:

Des champagnes nature j’ai la chance d’en boire un certain nombre depuis quelques mois, à Vignerons en Seine on sifflait du Fleury, une dégustation d’Agrapart, le sans soufre de Drappier, un Vouette et Sorbée au nouvel an. Mais ce Ruppert-Leroy! Oh lalala…

Je vais me répéter encore mais j’aime cette idée, clair comme de l’eau de roche. Désaltérant, frais, pur. Oui, pur, encore mais vraiment c’était le dénominateur commun des vins de cette soirée, la précision, la netteté. Et en version Champagne c’est brillant. Le chardonnay dans toute sa splendeur, sa classe, son élégance.

Derrière c’est dur pour le champagne suivant Val Frison de Lalors, on le sifflote en étant bien heureux, en terrasse à 3h du mat mais il manque quelque chose. Lori s’exclame « C’est bouchonné ça », tout en dansant. C’est insupportable ces gens capable de sentir ça à cette heure, dans ce stade d’ébriété. Un peu impressionnant aussi. C’est vrai, c’est bouchonné. Léger gout de carton.

On va se coucher du coup?

« Encore un dernier verre? »

Du bout des lèvres, un whisky gourmand. Intravagan’za de Couvreur. J’y pige rien à cette boisson mais ça se boirait trop facilement cette histoire.


Le mieux c’est sans doute que le lendemain on s’est réveillé à 8 heures, sans douleur, marché tranquillement dans les belles rues de Villeneuve lez Avignon…

Ocre Rouge, du Champagne dans le Gard ?

Son père fait du Champagne.

Son Grand Père le lui avait appris
Il fait du Champagne
À Dions, dans le Gard

On s’arrête tout de suite, évidemment, techniquement, ce n’est pas du champagne, c’est du mousseux, l’appellation Champagne est limitée à un territoire qui se trouve à 700 bornes de leurs ceps.
Oui mais.




Aymeric et Marceline Beaufort se sont installés en 1999 sur un plateau qui ressemble bien à un petit bout de paradis, où un léger vent frais court le soir et où la construction la plus proche est une vieille bergerie en ruine
Ils ont plantés leurs cépages, les vignes dont le vin coule dans leurs sangs, le Chardonnay et le Pinot Noir.


5 ans plus tard le premier millésime de  « La perle » était mise en bouteille
La perle est un mousseux dont la prise de bulle est faite en suivant la méthode champenoise. quelques mois plus tard on les degorge à l’aide de ces outils dont ma pauvre photo peine a rendre la beauté

Et c’est parfait. En connaissant l’histoire on ressent cette curieuse alchimie, le soleil du sud venant apporter un peu de puissance qui vient équilibrer l’acidité recherchée par le couple.

Aucune idée de si à l’aveugle on croirait un vrai champagne, l’intérêt n’est pas là, évidemment. La Perle est un vrai vin avant d’être un mousseux, un vin blanc classe mais loin d’être délicat, qui n’hésite pas à être plus démonstratif que ses bulles avec une belle attaque qui desarconne un peu si on s’attend à un vin précieux

Le domaine de l’Ocre Rouge propose aussi la perle noire, son mousseux rosé avec son bouquet de framboise et de fruits rouges. Lui aussi très affirmé et démonstratif, tout sur le fruit et ce petit quelque chose acidulé qui marque bien la parenté entre les deux perles.

A côté de ça le domaine offre une large palette de vin rouge, eux aussi très clairement nés de parents nordistes dans des terres sudistes. Un mariage toujours aussi admirablement fait, sans grand écart. Juste de légères notes acidulés qui viennent rendre la présence d’un fruit bien mûr plus agréable, plus digeste.


L’endroit est une vraie pépite, tout près de Nîmes mais déjà paumé dans ces paysages incroyables qu’offre le Languedoc, tout contre un charmant village médiéval et avec le gardon si proche.

Le vin y est pur, le plus naturel possible, sans prise de tête malgré sa parenté avec la Champagne. Aymeric à gardé le savoir-faire et à pris le meilleur du sud.

Des exilés qui profitent de leurs nouvelles vies en garrigue, en faisant des vins qui leurs rappellent à la fois leurs origines et qui portent la marque de cette nouveauté.

En toute discrétion …