Un Week-End en Ardèche

C’était très prévisible. Mais donnez moi une région où il fait frais, il y a des vaches, des vallées sinueuses et du vin nature qui coule à flot et je serais heureux. J’étais jamais allé en Ardèche et le samedi matin je me réveille en voyant sur l’appli Raisin qu’il y a un salon de vin à Saint-Pierreville. Même pas le temps de regarder où c’est exactement ce bled que je suis dans la voiture pour trois heures à sillonner entre Cévennes et Ardèche.

Direction Asssoiffé de Nature

Un Week-End en Ardèche

Le salon de vin nature le plus paumé de France cherchez pas c’est là. Prenez une carte, Privas parait pas loin à vol d’oiseau, c’est une heure de route en zigzag, je vous parle même pas de Valence ou Montélimar. Routes magnifiques,évidemment, on croise des ruisseaux, passe des cols, traverse des forêts. Les paysages que j’aime passionnément.

Et au détour d’une route un petit village, un de plus, je me gare, je cherche la salle des fêtes, voit d’autres personnes paumées, les suit, on descend une départemental, un dernier zigzag et on se retrouve devant un chapiteau. Une grosse vingtaine de vignerons de la région, des gens qui s’amusent. Let’s go!

Le Mazel: Les parrains du vin naturel ardéchois, dans ces régions méconnues du vin il y a souvent une locomotive qui a commencé dans les années 80/90, ici c’est Gérald et Jocelyne. « Tout le monde ici est passé, à un moment ou à un autre, au domaine, pour plus ou moins longtemps, faire une vendange, goûter les vins, discuter ». Alors on goûte.

Avec ces entrées de gamme du domaine c’est une espèce d’explication de ce qu’est l’Ardèche et ses cépages. Un viognier précis, loin des exubérances d’arômes que cette variété peut parfois avoir. « Raoul » est un pur carignan de plaisir, qui rafraîchit et éveille le palais, « Briand » est un grenache tout sur la cerise, pareil joli et glouglou. J’imagine qu’ils font des choses plus sérieuses et profondes, ici c’était une entrée de salon nickel, gouleyante et tout sur le plaisir. Ca donne envie de gouter le reste.

Sylvain Bock: Je déguste avec des parisiens qui m’expliquent l’omniprésence de ces vins dans la capitale, Sylvain sourit, « c’est rigolo les modes ». Comme les vins du domaine Mazel c’est précis, très propre, avec une jolie acidité. Pas spécialement élégant mais gourmand, digeste et sourieur. De jolis vins. Encore une fois le blanc « A la Fraiche » est celui qui m’emballe le plus, on l’imagine évidemment parfaitement pour se désaltérer tout l’été, « Bascule » lui est un joli Carignan 2019 qui pète de fruit. Dans le monde du vin nature tout le monde ne jure que par les vins digeste et glouglou mais ils sont finalement si dur à trouver avec une réelle qualité. Ici s’en est un. Nickel

Alors dans un salon tout n’est pas toujours parfait dans le verre, le vin n’est pas toujours à sa place devant la foule et dans des conditions de conservation pas terrible, on peut même imaginer qu’il y ait quelques cuvées pas terribles. Ou bien le vin ne marque pas mon esprit tout simplement, malgré ses grandes qualités. Dans ce rayon là pensées pour « Dithyrambe » du domaine Pierre Rousse qui est un sirop de grenadine parfait mais dont le reste des cuvées me passent au dessus tant ce sont de gros merlot très vert. « Kidiglou » du domaine Badea est une fin de bouteille qui commence à avoir un peu chaud mais qui garde de beaux arômes bien équilibré.

Et, à l’opposée, il y a les rencontres. Un québécois un peu exubérant crie au monde entier qu’il faut aller goûter un Cinsault, alors je vais au stand, le vigneron, Sandro, te prend direct sous le bras comme si on était potes depuis toujours, t’emmène tester ses stands préférés du salon. Domaine de la Sarbèche par exemple. J’en parlais ici l’appellation Saint-Peray est une petite bande de terre dans les Côtes-du-Rhône uniquement de blanc. Et ceux de Sarbèche sont de magnifiques vins, élégants, structurés, qui sortent du lot au milieu d’un salon au niveau moyen très bon mais surtout dans le vin glouglou, fruité et facile à boire.

Toujours guidé par Sandro, je revois Elodie du Clos des Cimes que j’avais déjà eu la chance de croiser. De l’autre coté du Rhône, au nord du Mont Ventoux elle produit des vins fins, racés et mordant avec beaucoup de savoir faire et chaque discussion avec elle me donne l’impression d’une rare sensibilité et technicité dans la vinification. La « Timidité des Cimes » est un rouge à la macération courte pour un vin frais et gouleyant là ou « A Fleur de Peau » est une syrah charnue et chaleureuse. Tout ses vins se tiennent, ont le même niveau d’exigence et apporte le même plaisir en bouche. Et puis il y a « l’Elfe Doré » un blanc un peu sucré , un peu pétillant, un peu enfantin. Le vin parfait pour une petite pause près du ruisseau, les pieds dans l’eau.

Grand domaine de mon petit cœur.


Et ce Cinsault alors ? Sandro est la moitié de Trescol é Bouit, son binome étant son vieux pote Jonathan qu’il a poussé à le suivre dans l’aventure vineuse après être tombé en admiration du travail du domaine Dard & Ribo immense nom du nord de la vallée du Rhône. Après de belles découvertes à leurs cotés et d’autres jolis nom du vin que j’aime, ils se lancent, dans le nord de l’Ardèche, tout près du lieu où se tient le salon, avec l’ambition de faire des vins à la même dimensions que leurs aînés.

Et c’est banco, et pas qu’un peu. Un Viognier que c’est du melon tellement que c’est l’été puis un rosé nerveux et tendu. Et les plats de résistances arrivent. Le « St Sôt »… Je suis amoureux de ce cépage et il me le rend bien, celui ci est épicé, gourmand, presque chocolaté. Le jus est mur, plein, suave. Et tu te retrouves vite mur, les verres s’enchaînent, Sandro sort un assemblage 50/50 Syrah/Cinsault « Cylinss 2019 », « on a fait la mise en bouteille y a trois semaines, on attend un peu, chuuut ». Et ça goûte magnifiquement le fruit rouge de la Syrah et l’épice du Cinsault, le fruit rouge du Cinsault et l’épice de la Syrah… Enfin les deux se complimentent parfaitement, c’est fondu, c’est coquin, c’est passionné et passionnant.

Derrière c’est une démonstration d’un juste milieu entre technique et espièglerie. Un Marselan qui n’a rien à faire là et qui rigole d’être en Ardèche, le Grenache rieur, le 100% Syrah qui montre que c’est pas des billes en vin profond et sérieux. Et puis Sandro c’est un des organisateur de ce cirque, il saute un peu partout, vérifie que tout le monde va bien, bois des verres de dégustation de 1L puis te parle pendant 15 minutes de ses pigeages et de l’importance des soutirages.

Après ça c’est définitivement compliqué de tenir la cadence. Et pour les vins et pour moi. Les vins d’Andra Calek autre petite star de cette Ardèche nature, une des raisons de ma venue ici, ne m’impressionnent pas. « Babiole » est un joli vin qui se moque bien de la starification que tu fais de son petit producteur, un vin tout simple, pas impressionant, discret, presque absent. Une babiole mignonne.

Je passe de jolis St-Joseph en jolis Cornas, le niveau moyen de ce salon est quand même très élevé. L’Ardèche c’est aussi la classe des Côtes-du-Rhône nord, la Syrah magnifique de l’Hermitage, qui enveloppe tout le palais, une texture onctueuse et des tanins soyeux. Mais bon, à la fin tout se ressemble, si j’étais venu avec l’envie sérieuse de déguster, de noter dans mon petit carnet, je me retrouve vite emporté, ça déconne entre ardéchois et québécois, le ruisseau devient un terrain de batailles navales. On est sous un cirque après tout.

Au milieu de cette belle folie un domaine sort du lot. J’en parlerais ailleurs, bientôt, tellement il est hors du temps et du moment et que c’est une rencontre marquante pour moi. Ici je vous laisse l’Ardèche, la vraie, la folle, la sauvage, la paumée. On reviendra sur l’Ardèche géniale, cérébrale et émouvante.

Là c’est le temps du dernier verre, une bouteille qui traîne par là, « le dernier rang », c’est adapté. Pierre Bourlier quoi que tu fasses continu. C’était méchamment bon.

Une belle carte postale mentale.

Maison Drouot, un moment en suspens

On rentre, on passe par le salon, on pourrait s’attarder dans le canapé, on se retrouve sur la terrasse, on pourrait plonger dans la piscine, on s’installe à table, on pourrait en prendre une autre.

On pourrait beaucoup de chose à Maison Drouot ..

On peut prendre le temps.

Comme à la maison. Evidemment.

Encore que. Avant de rentrer j’ai eu une petite appréhension, « Maison » ça pourrait être pour un palace, on parle bien de « grandes maisons » dans le milieu du luxe. On est à Maussane au cœur des Alpilles branchées, c’est pas la Cote d’Azur mais trouver un lieu sincère où manger devient vite difficile.

Et puis, au tournant d’une petite rue, près des platanes …


Sincère. Ça me parait l’adjectif le plus logique, le mot le plus évident. Pas de mise en scène, t’as Claire et Julien, le chien, les légumes du potager. Et c’est parfait.

Enfin ça c’est le decorum. L’important c’est l’assiette, qui est magnifique d’accord, comme les couverts d’ailleurs. Mais en plus c’est bon. Et là on arrête tout. Moi parler de nourriture j’en suis encore moins capable que parler de vin, c’est dire. Mais là à tout moment je pars dans mes surenchères et mes superlatifs alors je vais me retenir.

Mais il est possible qu’on ait chuchoté une fois ou deux qu’on avait jamais aussi bien mangé…

Il fallait un vin qui s’accorde avec ça

Sincérité, cuisine de produit, 35 à l’ombre, courgette et piscine?

Toscane

Je l’ai déjà dit en long, en large, en travers, j’aime l’Italie, j’aime la Toscane, la Toscane me manque et j’aime à imaginer que d’une manière ou d’une autre je manque à la Toscane ..

Massa Vecchia « petit domaine en taille, immense en réputation » selon Claire

On est dans l’immense oui. Dans le beau. Le vrai, celui qui n’est pas aguicheur, boisé ou sucré. Celui qui n’a pas besoin d’être dans l’exubérance ou le sexy. Le beau discret et mystérieux.

En toute légèreté, l’envie d’en reboire à l’infini mais tu profites de cette longueur, de la bouche fraîche que ça laisse alors la bouteille descend lentement finalement. Tu en profites tout le repas. Il est comme chez lui sur un plat de « ravioli façon aubergine à la parmesane », il devient plus charnel et structurel quand arrive le maigre de méditerrané et ses champignons aux goûts prononcés, épicé sur le chèvre et tout doux pour finir avec le dessert.

Le vin généreux qui n’écrase jamais les autres plats, qui profite des silences pour devenir aérien, qui relance la discussion quand il le faut, qui amène un sourire aux lèvres toujours.

Instantanément un de mes vins préférés. Un vin qui ralentit le temps pour mieux en profiter.

L’élégance, la richesse, la finesse.

Et l’envie de retourner en Italie. Evidemment.

Même si on est pas si mal au pied des Alpilles.. On partira demain, ou plus tard. Il y a le temps.

Hors du temps, des pandémies, de la chaleur folle, de la vie qui court et des soirée qui passe trop vite.


Merci Maison Drouot.

Des Bulles Pour l’Été

Avec l’été les envies changent.

On’occupe ses journées et ses nuits différemment, on se nourrit exclusivement de tomates et de concombres. Forcément on boit différemment. Ma solution facile pour l’été c’est souvent les bulles. Ça rafraîchît, ça sublime une salade toute simple et ça donne envie de danser un peu.

Quelques quilles ouvertes avec le début de la chaleur:


Alain Voge, Les Bulles d’Alain

Parfois il faut faire confiance à son caviste, parce que cette étiquette…

Saint-Péray on est pas sur l’appellation la plus connue des Cotes-du-Rhône, petite appellation de moins de 100 hectares, uniquement des blancs et des mousseux, sur la rive droite du Rhône. Pourtant l’histoire de ce petit bout de terre en Ardèche est assez génial, historiquement on y ferait de la prise de mousse en méthode champenoise depuis le début du 19ème siècle, entre Cornas et l’Hermitage quoi…

Et bien ce « Champagne » ardéchois vers lequel je ne serais jamais allé de moi même est une belle réussite, le jus le plus complexe de cette sélection, une profondeur qu’on retrouve rarement dans les bulles d’autres régions. Un gras qui évoque le chardonnay.

La bulle qui laisse le plus pensif de ces 4 bouteilles, un vin sérieux sublimé par un joli pétillant.


Jo Landron, Atmosphères

Autre ambiance, autre fleuve, la Loire…

Il y a un trait que j’aime énormément dans le vin mais qui est délicat à expliquer.

J’aime que mes vins rappellent l’eau de source. Qu’ils aient cette clarté, cette facilité à boire. Ils laissent une bouche fraîche, un corps et un esprit apaisé. Ils vous permettent de parler et rire pendant des heures. Les vins du domaine d’Anglore, le blanc de Maule, l’Amethyste du domaine Hauvette ont ce trait là. Ça peut paraître l’opposé de ce qu’on attend d’un vin. Moi je crois que les plus grand vins désaltèrent, c’est pas forcément l’opposé d’avoir du corps et des tanins d’ailleurs. Même s’il faut pouvoir s’offrir un Chave pour trouver ce parfait équilibre rarissime…

Ici les bulles flottent sur la langue, caressent le palais, l’attaque en bouche est d’une rare discrétion avant que le vin apparaissent vraiment, presque une fois qu’on l’a avalé comme pour donner envie d’en reprendre. Une petite acidité, un alcool léger se développent et enveloppent la bouche.

Si on y pense. Sinon ça glisse tout seul on se ressert, on se désaltère, on s’amuse.

Entre la San Pellegrino et les grands champagnes si on accepte que ce soit un compliment.


Zanotto, Col Fondo di collina

Un virage vers l’Italie, un retour au Chardon. Comment voulez vous que je sois objectif?

Les bulles à l’italienne, pas filtré, pas dégorgé, une légère macération, un gros caractère et une petite acidité qui t’explose en bouche. Un peu méchant, plus sexy que discret. Ça tape quoi. Un gros tube italien des années 80 peut être.

Sur une petite pizette toute mignonne qui était une vraie bombe de basilic frais. Ça ouvrait un merveilleux repas et donnait de l’énergie pour tenir la soirée.


Chateau Barouillet, Splash

Retour en France, Splash. Je suis presque inquiet à l’ouverture, ça m’est déjà arrivé les petnat où la moitié du jus te part dans la gueule au moment de faire sauter la capsule. Ici tout va bien. C’est dans le verre que ça sautille.

Plein plein de bulles. C’est rare en pétillant naturel.

Pas forcément une explosion d’arômes, pas la complexité du St-Peray, pas la dentelle du Landron ni l’énergie de Zanotto mais des bulles par milliers, festif. Ça danse, ça rafraîchit, ça tangue presque quand l’alcool ressort un peu trop.

Quand on a pas peur de faire la fête alors que le soleil n’est pas encore tombé et qu’on frise les 35 degrés.

Un Week-End chez Dominique

Les Alpilles en fond, 50 purs sang Arabes, des Cinsaults magnifiques.

Je vais pas vous resservir la carte postale qu’on lit sans cesse sur le domaine Hauvette, même si on n’arrête sans doute jamais de s’émerveiller devant tout ça.

C’était la carte postale d’un week-end chez Dominique Hauvette.

Une fête pour ses 70 ans ? Son titre de meilleure vigneronne de France par la RVF ? Pour montrer qu’elle est toujours là, malgré le temps qui passe, les accidents, les critiques, les succès ? Elle préfère parler d’une fête pour ses 33èmes vendanges… Quand son filleul prendra la parole le temps d’un discours balayé par le mistral il dira « Ma marraine m’aura fait trouver dieu et la spiritualité par des chemins de traverses. Elle qui m’a fait boire mes premiers verres de vin ».

Y a de ça.

Tout a commencé le vendredi, repas intime au pied des oliviers, Antony Cointre en chef cuistot pour les amateurs de name dropping, Gargantua en chef cuistot pour ceux qui le connaissent.

Dominique qui passe en coup de vent poser sur notre table une quille de Jaspe 2018, son blanc à dominante de Roussane et Cornaline 2012. Je me tait, j ‘écoute un rédacteur de la RVF simplement dire que c’est un des meilleurs vins qui lui ait été donné de boire. Je souris en me disant que je suis pas le seul à avoir l’exagération facile.

Je plonge mon nez dedans.

Ouuuf c’est bon.


Et le lendemain le plat de résistance, 13 heures.

A peine arrivé un ami caviste me remplit mon verre d’un joli rosé, mon premier de l’année je crois, en tout cas le premier à marqué ma mémoire, à me rappeler qu’un rosé c’est un peu plus qu’un vin qu’on oublie. Mas Jullien

Mais la maîtresse de maison c’est madame Hauvette et elle ouvre un vieux blanc de 2001 « avant que je sois connue ». Ça a la fraîcheur et l’insolence d’une femme qui rentre dans la vingtaine, ça te fout une petite claque puis une bise sur la joue. Un vin taquin.

Puis Améthyste 2009. Améthyste ça ne rigole plus. Ou alors c’est le rire sérieux que te donne une œuvre d’art qui te bouleverse un peu. 80% de Cinsault, élevé en œuf en béton, un nez qui te laisse à penser que tu te roule sur un flanc de montagne couvert de framboisier, une bouche à l’élégance absolue, la classe folle et une finesse qui touche la perfection. Je suis absolument amoureux du 2017, le 2009 lui a gagné en sérieux, encore plus en dentelle avec cette jolie patine du temps. Ce qu’il a perdu d’arrogance il l’a gagné en sagesse pour mieux laisser penseur. J’aime ce vin.

Et il y a les invités, « s’ils sont pas trop salaud ils devraient amener une quille ou deux de leurs vins » avait prévenu Dominique. Les cartons qu’ils emmènent s’entassent derrière le bar.

Guillaume du domaine de Sulauze, bien inspiré par le travail du domaine Hauvette, te fait goûter Chapelle Laique, un vin à majorité de Cinsault élevé en diamant en béton… C’est très bon, ça ne boxe pas dans la même catégorie qu’Améthyste mais c’est un vin de copain qui boivent sans soif, qui discutent un peu fort et se disputent parfois mais qui peuvent se réconcilier autour de Sciaccarellu, autre vin de Guillaume qui s’amuse avec ce cépage Corse, un vin plus structuré, plus profond. Domaine de Sulauze y a quand même l’assurance de passer un bon moment et de pouvoir boire une de leurs bières pour se rafraîchir.

Ronald aussi doit bien être inspiré par Hauvette, il y a travaillé un peu, avant de lui racheter des vignes dans le Roussillon. Dont il sort une Syrah toute douce et un Maccabeu aux amers trop rares dans le paysage sudiste. Les étiquettes m’appelaient depuis un petit moment, j’aurais du craquer plus tôt.

Fanny Daher elle travaille à Sulauze, et à coté elle achète de « jolis raisins » et elle fait de jolis vins. C’est aussi simple que ça. En apparence bien sur. En creusant un peu c’est son deuxième millésime, elle balbutie encore pas mal, normal. Elle a un peu foiré quelques hectos de son pétillant, une barrique ou deux feront du vinaigre. Normal. Ce qu’elle vend par contre est très bien. « Copinages & Crustacés » en plus d’être un nom de cuvée au poil et un vin blanc sur l’acidité qui te donne envie de croire que t’arriveras à passer l’été et les canicules, « La pétillante » est un petnat tout agrume aux bulles fines te laisse même à penser que tu feras quelques bons apéro. Bref des vins à grande buvabilité avec une touche toute féminine et sensible.

Une petite pause avec une quille Hauvette ? Dolia 2009, un élevage d’un an en œuf ici aussi. On quitte les blancs d’apéros et on rentre dans les grands blancs, ceux qui te tiennent la table, ceux qui vieillissent magnifiquement et gagnent en précision avec le temps. Henry Milan est dans le coin, pas grand chose le fait s’arrêter de parler à part une gorgée de ce vin. Sublime.

Au loin le gargantuesque Antony Cointre m’appelle et me sort de ma rêverie « Hé le jeune goûte ça » et il me remplit mon verre. « Chut dit pas trop fort que c’est pas terrible ils sont juste là ».

Les Breton ils me suivent, sans le savoir, dans chacune de mes buveries, de la première fois où j’ai goûté un de leur Cabernet Franc et que je n’arrêtais pas de dire que je n’aimais pas tout en me resservant des verres, à l’Italie en passant par Brighton, y a toujours eu des bouteilles de ces grands noms de la Loire pas loin. Et d’un seul coup je suis à leur table. Ok

Je suis déjà un peu moins ok quand je comprends que Foillard est juste à ma gauche, que Richaud se sert un verre d’Ebrescade à ma droite et qu’on remplit mon verre d’un Champagne Larmendier

Y aurait presque une querelle des anciens et des modernes qui se crée intimement en moi. Me faire petite souris silencieuse au milieu de ces grandes personnes ou aller parler avec les copains de chez Sulauze ou de la Ferme Viticole. Michèle Aubéry du domaine Gramenon prend la décision pour moi en commençant à me parler, je lui glisse que ma mère m’a offert un de ses vins pour mes 22 ans, elle rigole en comprenant que je connais sa vie comme si j’avais lu une biographie sur elle, on boit un magnum de Poignée de raisins comme si c’était du petit lait. Le juste milieux entre vin de soif et vin sérieux il est là. Tu t’amuses en le buvant et ça te donne envie de parler de philo et d’enracinement de grenaches centenaires. Je la remercie chaudement pour le quart d’heure de bons mots qu’on vient de passer, elle m’invite à passer au domaine, elle m’encourage pour les quelques ares de vignes dont je m’occupe.

Personne la plus douce avec qui j’ai eu l’occasion de parler. Vin le plus doux et agréable que j’ai bu.

Puis les souvenirs deviennent plus flou, l’aprem est passée sans y penser, un deuxième repas se formente, on passe de table en table, d’amis en amis, d’inconnus en connaissance.

A la table du domaine Belluard, à parler de transmission, des « fils de » qui doivent souffrir de l’ombre de leurs parents, des gens sans terre qui prennent en fermage quelques hectares et se lancent. Parler du cépage Gringet aussi, qui ne pousse qu’au pied du mont-blanc et qui donne cette flamboyante cuvée:

A la table du mas Libian, à parler pétanque évidemment et renaissance des appellations. A parler de l’obligation d’être humble face au terroir, de pas forcer le terroir à sortir des vins profonds si c’est une terre d’où sort des « petits vins de rigolades »

A la table de la Tour du Bon à parler d’Amphore, que c’est beaucoup trop cher et chiant à nettoyer, que c’est devenu bien trop la mode, mais que «putain c’est bon » lâche Antony pas trop loin.


Retour au bar, du Dominique Hauvette coule à flot. On profite de la magie. Roucas 2018, le vin plaisir, Petra le rosé élevé en œuf qui te taquine la gorge avec son joli alcool tranchant.

Dominique 70 ans est magnifique dans sa robe provençale, elle vole même la vedette à ses propre vins. Pourtant elle se voudrait discrète, elle chuchote « mais pourquoi il est aussi bon ce vin ? » en trempant les lèvres dans un vieux rouge des années 90. Elle parle de chevaux, de son amour pour les chiens, elle n’arrivera pas à dire bonjour aux 200 personnes présentes, elle écoutera d’une oreille distraite les discours flatteurs, elle jouera avec un bébé plutôt que de goûter les verres tremblant que de jeunes vignerons lui proposent.

Son vin lui ressemble absolument. Il y a le terroir des Alpilles, il y a les œufs, il y a un amour profond de la nature mais il y a surtout Dominique.

Ses vins portent son sourire sublime et rare. Ils ont, je me répète, l’élégance de celle qui se fait discrète et la beauté désarmante de la franchise.

Il y avait les Breton, il y avait Foillard qui parlait de Chauvet, il y avait la famille Durrbach et du champagne de Jacquesson mais le plus beau vin était celui de Dominique. Sans discussion.

« Je veux des vins qui laissent une bouche fraiche, pour qu’on en reprenne encore ».

On en a beaucoup repris.

On s’est fini la soirée avec des quilles qui traînaient. Des trucs amenés par des cavistes, on avait peut être pas vraiment le droit de les ouvrir. Surtout quand tu regardes le lendemain le prix.

Des choses comme ça.

Ca n’avait pas la folie des verres signés Dominique Hauvette.

Je me suis endormi au pied des Alpilles, juste contre des Marsanne du domaine.

Les cigales se sont mises à chanter ce jours là. Je vous jure. Pile pour la fête de Dominique.

Le lendemain elles étaient plus en forme que nous. On a pris un brunch, le regard un peu hagard, on s’est siroté des bières de Sulauze, Antony Cointre a finit son cirque avec un dernier tour gourmand, on s’est sifflé un verre de pinot du domaine des Bott. Ça passait tout seul. Parfait.

L’impression de vivre dans une carte postale.

Merci Dominique. Pour la fête et pour avoir enfanté milles fois ces vignes pour nous donner ces vins sublimes

La Divigne, un dernier verre?

« Bon, un dernier verre et on va se coucher »

Le principe était simple, on se pointe à 20h avec mon amie, on fait la dégustation de deux vignerons, on mange en buvant l’un de leurs vins, on passe un bon moment, on rentre.

On avait pas prévu qu’on rentrerait le lendemain à 8h, ni que ce serait la dernière fois avant un petit moment qu’on sortirait comme ça. On se doutait qu’on allait bien boire, mais pas aussi bien.

Petit récit d’une bonne soirée.


Les invités d’honneur ce sont les responsables de ces quilles là. Lori du domaine du Petit Oratoire coté garrigue gardoise et Simon du Hameau Touche Boeuf pas loin de Condrieu. On commence par son blanc? Viognier, Marsanne, Roussane et Cugnette. L’explosion de saveur du Viognier mais sans lourdeur, vif, tranchant. Puis son blanc de macération, même assemblage, même sensation avec plus de gras, de longueur. Et le rouge? Syrah, Gamay, en grappe entière, ça vient amener une fraîcheur, une fin mentholée. Des tanins qui accrochent un peu aussi, qui marquent.

« Tu devrais vinifier en rafle entière ». Parce qu’on lui a glissé que j’allais essayer de faire du vin cette année, alors Simon il te parle avec une main sur ton épaule parce que « je suis un tout jeune vigneron alors mes conseils tu sais….Fais comme tu le sens ». Et Lori qui approche, qui te regarde droit dans les yeux et dit « Si t’as besoin d’un local pour vinifier compte sur moi ». Comme si on était de vieux potes, comme s’il y avait un lien. Ce lien c’est l’idée, presque au dessus de tout, qu’il faut qu’il y ait des jeunes qui se lancent dans ce métier, dans l’agriculture, dans la terre. « Moi on m’a pas vraiment aidé au début, alors je veux faire tout l’inverse », qu’il faut essayer, qu’il faut sortir une bouteille. Juste une.

Ou alors milles comme le Petit Oratoire! Lori il essaye plein de choses lui. Un vin Partouze mélange de neuf cépages, ni blanc, ni rosé, des longues macérations, des bulles rigolotes et au milieu de tout ça Jajatoes, le blanc festif parfait, clair comme de l’eau de roche. Il faudrait le boire à l’aveugle, s’arrêter un instant en se demandant d’où il vient ce vin, avant de comprendre que ça ne peut que être un fruit de la garrigue, thym, romarin, sarriette. Une tisane de soleil.

Comme on l’aime bien Lori on achète au restaurant/cave/bar une de ses bouteilles, TNT et comme il nous aime bien il vient la siroter avec nous. « y goûte pas mal mon vin quand même non? Moi j’aime bien ». Un pétillant mélange de rouge et de blanc. « Je les emmerde les champenois moi ». Ça pète bien en bouche, c’est bien nerveux. Ça aurait bien conclu la soirée. Comme prévu.

Sauf qu’on est maintenant à table avec deux vignerons et deux barmaids…

Y a des bouteilles qui traînent, on te remplit le verre. Le Pommard de Fanny Sabre, que dire? C’est beau, évidemment, un pinot noir magnifiquement travaillé, une appellation magique, une vigneronne « avec un touché, une sensibilité » selon la propriétaire des lieux. Pas toujours simple d’avoir des mots pour les choses juste belles, sans défaut et donc un peu sans accroche.

Et face à cette bouteille mes souvenirs oublient tout le reste …

Admirez la netteté de cette photo

L’Orangeade c’est triché, l’orangeade c’est branché un cable jack dans ma mémoire et voir le son que ça fait.

J’en parlais ici: Du vin orange? Ce vin c’est mon premier orange, c’est ma première obsession vineuse, c’est une de mes portes d’entrées vers ce monde de sensations. Presque les larmes en voyant cette bouteille. C’est comme ça, les bons vins rappellent les bons moments, les bons moments rappellent les bons vins. D’un seul coup, avec ce vin, on était au cœur de l’été, une chaleur étouffante, des rêves plein la tête. Ou alors on est au début du printemps, un début de musique sort du bar, des rêves en train d’être réaliser.

En un sens je suis content de pas avoir bu ce vin pendant 2 ans, mon palais a changé, des nouveaux souvenirs se sont construit. J’étais content de voir le chemin vineux parcouru. Un peu stressé, est-ce que j’allais aimer ce vin maintenant?

Oui. Oui, oui, oui. Oui!

Pas tout a fait comme mon souvenir doux et facile à boire, mais toujours orange, le zeste même, le coté légèrement râpant des boissons artisanales. C’est peut être pas le gout du vin, et alors? Est-ce un problème? J’en boirais des litres.

Puis, comme si cette soirée avait pour thèmes mes fascinations alcoolisées on passe sur du L’Anglore maintenant:

Le plus beau moment de mon année sera sans doute ce 8 janvier, autour d’un verre de Nizon du même Pfifferling, des mêmes, les enfants donnant désormais la main. Tout leurs vins ont un quelque chose de sublime, la pureté de ce que je crois être les grands vins. Même avec de la musique française des années 90 ce vin est sublime. C’est presque une bonne idée d’ailleurs tant tout les moments avec du l’Anglore touchent a la perfection, passez même du Sardou en même temps, ça ne ruinera rien!

Remarquez qu’on a abandonné toute logique et esthétique de dégustation, maintenant c’est au grès des envies de tout le monde, avec musiques et danses approximatives.

Puis toutes les heures on s’arrête au tour d’une bouteille, on se pose un peu à table, on en discute.

On est peut être resté un peu plus longtemps pour cette bouteille:

Les Grandes Teppes Vieilles Vignes 2010, de Ganevat, à l’aveugle. Nos voisins de table trouvent que c’est du Chardonnay mais sont en Bourgogne, je demande si c’est un vieux millésime, Lori ,lui, a un grand sourire.

« C’est le maitre du Jura »

Que c’est bon. Ganevat aussi il fait parti de mes grands moments de boissons. L’impression d’être dans un best-of de mes goûts. Mon palais explose de plaisir

L’explosion de bulles suit. La maîtresse des lieux aime finir avec un pétillant. Nous aussi.

Alors finissons trois fois:

Je sais pas ce que c’est, j’ai cette photo dans mon téléphone, le gout en tête mais aucune idée d’où sort cette bouteille. Enfin on va se dire que c’est un pétillant naturel venant d’Allemagne. Oui, je suis un gars plutôt malin.

Vin plutôt malin aussi, qui vient te rappeler que c’est d’abord du vin avant d’être un pétillant. Y a de l’alcool, une minéralité et une salinité. Grand vin blanc. Avec des jolies bulles. Bien brut de décoffrage quand même, moins mignon que son étiquette.

Ça vaut un champagne? La question elle est facile, elle a pas beaucoup de sens. De toute façon pas grand chose ne vaut le verre suivant:

Des champagnes nature j’ai la chance d’en boire un certain nombre depuis quelques mois, à Vignerons en Seine on sifflait du Fleury, une dégustation d’Agrapart, le sans soufre de Drappier, un Vouette et Sorbée au nouvel an. Mais ce Ruppert-Leroy! Oh lalala…

Je vais me répéter encore mais j’aime cette idée, clair comme de l’eau de roche. Désaltérant, frais, pur. Oui, pur, encore mais vraiment c’était le dénominateur commun des vins de cette soirée, la précision, la netteté. Et en version Champagne c’est brillant. Le chardonnay dans toute sa splendeur, sa classe, son élégance.

Derrière c’est dur pour le champagne suivant Val Frison de Lalors, on le sifflote en étant bien heureux, en terrasse à 3h du mat mais il manque quelque chose. Lori s’exclame « C’est bouchonné ça », tout en dansant. C’est insupportable ces gens capable de sentir ça à cette heure, dans ce stade d’ébriété. Un peu impressionnant aussi. C’est vrai, c’est bouchonné. Léger gout de carton.

On va se coucher du coup?

« Encore un dernier verre? »

Du bout des lèvres, un whisky gourmand. Intravagan’za de Couvreur. J’y pige rien à cette boisson mais ça se boirait trop facilement cette histoire.


Le mieux c’est sans doute que le lendemain on s’est réveillé à 8 heures, sans douleur, marché tranquillement dans les belles rues de Villeneuve lez Avignon…

Padawine, vin optimiste

Je ne sais pas pourquoi mais le fait que Romuald Cousy, vigneron du domaine Ambitio à Villeneuve de Duras , ait commencé avec quelques petits hectares de vignes, à seulement 22 ans me plait. Et me fait encore plus aimer son vin.


Mais ça à l’ouverture de la quille je n’en savais rien, finalement chaque dégustation est un peu à l’aveugle. On a les mots du caviste « je sais pas, je l’ai pas bu, mais le reste du domaine c’est canon », la couleur du vin dans cette belle bouteille transparente, l’étiquette magnifique.

En soit pas grand chose, mais au final c’est aussi ce que j’aime dans le fait d’aller prendre un vin un peu au pif dans une cave. A l’aveugle.

Et là, la lumière, cette contre étiquette:

Vigneron optimiste…

Trop bien! Deux mots comme un CV, comme un slogan, comme un état d’esprit. Ça fait du bien à lire, ça fera du bien à boire non ?

Pour ma défense un orange ça faisait longtemps, tant pour le blog que mon gosier. Alors j’ai le droit !

Avec le temps mon espèce de folie autour des vins blanc de macération passe doucement , j’aime toujours autant ça mais le côté nouveau jouet s’envole un peu . Ma manière de déguster de manière générale s’assagit, moins de folie un tout petit peu plus de savoir.

A peine plus hein.

Et c’est très bien j’imagine, mais des fois ça me manque. Puis c’est souvent si dur de trouver un bon vin orange…

J’étais donc pas lassé mais juste prudent à l’idée d’en boire, avec de l’espoir quand même.

Et un brin d’optimisme. Toujours, il en faut.

Et oui, ça fait du bien à boire. Vraiment.

C’est un grand vin orange, comme ça existe si peu en fait. Celui qui a la mineralité, la fraîcheur d’un blanc vif, les tanins ronds et soyeux d’un grand rouge tout en nuance. Ça pourrait être fruit confit si c’était pas tout en nuance, fruit rieur et gourmand, rondeur et caresses.

Cousy Romuald en un verre il m’a donné un grand sourire. De ses quelques terres dans le sud ouest il paraît qu’il en fait d’autre des vins sublimes, un Merlot en macération carbonique, un cabernet sauvignon pétillant et autres sorcelleries… Tout ça en étant dans la vingtaine, en s’engageant fortement dans l’écologie, en tentant des choses.

Un vin qui rend content de savoir qu’il existe, content de le boire, content de savoir qu’on peut faire ça à 22 ans.


Trop bien. Tout simplement.

Optimisme communicatif…