Les vins oranges de mon pays

Si le vin orange est né quelque part le long du Caucase, entre la Géorgie et l’Arménie, que des Italiens l’ont réinventé le long de la frontière Slovène, des français aussi s’amusent avec le vin blanc de macération. Trois exemples pas loin de chez moi:


Domaine de Sulauze, Super Schluck:

Retour au Chardon, restaurant sur Arles avec des chefs en résidence. On est il y a quelques semaines maintenant, le début de l’été, aucun mistral dans les rues d’Arles pour nous rafraîchir. Il fait chaud, il fait soif. « C’est l’occasion de boire un de ces vins oranges dont tu nous parles tant non? »

Oui. Carrément.

Le vin orange comme vin de soif, vin de copain, plus que comme une démonstration d’acide, d’épice, de volatile, d’oxydatif, de tanins ?

Mission réussie avec cette « Super gorgée » et son 10,5 ridicule.

Ridicule en degré alcoolique mais pas en plaisir. On serait presque sur une bière tellement cette amertume rafraîchit et désaltère.

C’est pas déconnant parceque les Sulauze font aussi de la bière à Miramas. Il va vraiment falloir aller les voir eux…

Ils sont en biodynamie, pas loin d’Istres et cultive la vigne bien sur, mais aussi blé, orge, oliviers et quelques légumes. Le tout vu comme un organisme vivant, cohérent dans son ensemble.

Un vin parfaitement cohérent justement, un équilibre entre fraîcheur, vivacité et tanins qui lui donne une structure qu’on ne pourrait imaginer pour un vin à 10.5.

« Parce que vous l’avalez bien »


Domaine Kreydenweiss, Or Ange:

Après des champenois dans le Gard et du Sangiovese dans le sud de la France des Alsaciens dans les Costières?

Est-ce que l’envie de découvrir de découvrir de nouveaux vignobles ne commence pas à se faire trop sentir?

En attendant, Marc Kreydenweiss arrive à Manduel en 1999, « pour assouvir sa passion pour les vins rouges » selon leurs site, « parce qu’il avait une petite bougeotte » selon Jean, son fils.

Marc a passé ses quelques hectares en biodynamie, s’est occupé amoureusement de Carignan centenaires, à produit des rouges magnifiques d’une belle acidité si dure à trouver dans le sud. Puis il a laissé les rênes à son fils en 2016

« La première année j’ai mis zéro souffre, je regrette, le millésime n’était pas assez bon pour ça, ils vieillissent mal. Le meilleur restait cette petite cuve de vin blanc macéré que j’expérimentais. Ça ça tenait parfaitement, c’était vivant mais rigoureux. J’ai continué à en faire. Je m’éclate à le faire. Les millésimes suivants et les canicules m’ont poussé à arrêter de faire du blanc pour l’instant. Je laisse ça à mon frère et mon père en Alsace, ici les muscat et les gewurtz ont brûlés. Je me rafraîchis avec de l’or Ange « 

« C’est un vin de verger. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire ? D’herbes fraîches et vertes, de fruits et d’arbres »

Pas mieux. A ne surtout pas siroter en terrasse alors, le laisser vivre de façon un peu sauvage pour mieux apprécier ses arômes agrumes et son côté un peu méchant dans l’acide. « La sucrosité en Alsace c’est beaucoup un objectif, moi j’en veux mais un peu, juste pour apporter un équilibre ». C’est réussi, la fin en est presque moelleuse après l’entame qui vivifie.

« Je veux avoir l’impression qu’on croque dans un pêche, la peau est un peu rêche, puis y a un craquement et on se fout du jus partout. C’est gourmand »

Il est du genre à réussir à concrétiser ses envies visiblement le fils Kreydenweiss, alors je croise des doigts pour sa réussite à « proposer un vin orange de négoce à moins de dix euros. Je vais essayer cette année. Les prix d’un orange sont trop chiant »


Domaine Milan, Luna & Gaia:

« Tu veux goûter notre orange 2018? On le mettra en bouteille cet Automne »

Oui. Oui!

Le 2018 c’est Roussanne, Rolle, Chardonnay, Muscat macérés 5 semaines au pied des Alpilles.

C’est celui de gauche sur la photo.

C’est du jus d’ananas.

J’ai pas d’autre explication à la fraîcheur et la simplicité de ce qu’il y a dans mon verre (clairement pas à moitié vide). Les tanins qui surprennent tant dans les vins oranges se font ici tout doux, on dirait qu’ils fondent sur la langue. « C’est le millésime qui s’ exprime » s’exclame Théophile Milan. « On a rien changé par rapport à l’année dernière, juste quelques jours de macération en plus. Les vendanges ont été courtes, dans la fraîcheur du matin, des rendements ridicules à cause du mildiou. Les grappes restantes brillaient de rosée »

Et ça a clairement le goût d’un raisin chapardé à 7h du matin, à la fin du mois d’août, encore tout frais, de l’eau contre la peau, d’un geste un peu enfantin.

Le 2017 ( à droite de la photo) regarde, littéralement, un peu d’en bas, une bouteille de Radikon qui fait partie de la déco. « C’est une source d’inspiration, bien sur. Mais c’est surtout très bon, point. On cherche pas à faire pareil, quel intérêt? » explique Milan père, membre du regroupement de vignerons « AAA« , au côté de Radikon donc. « Mon père a rencontré Radikon au début des années 2000 sur Avignon, il a tout de suite adoré le potentiel de garde de leurs vins. En 2003 et 2004 il a essayé de faire de toutes légères macérations, deux/trois jours. Pour voir. Les gens n’étaient pas prêt, les millésimes suivants pas adaptés, il a arrêté et j’ai recommencé lors de mes premières vinification. »

Sur un pied d’égalité avec Radikon. Des tanins plein la bouche mais tout en rondeur, la profondeur des épices, et une petite fin noisette. C’est d’une complexité infinie. Aussi facile à boire que le 2018 tellement on a envie d’approfondir le sujet.

Pensée pour Ma Terre 2004, un de ces premiers essais de vin blanc de macération. En 15 ans il aura gagné en profondeur et épice mais on devine un fruit tout frais derrière. Tout simplement magnifique.


Paraphrasons.

C’était très bon.

Point.

Mas du Chêne, un bout de Toscane en Costières

Quand je passe dans une cave remplie de Grenache et de Syrah au bout d’un moment je m’ennuie un peu. mon regard dérive. Vers cette bouteille de Ganevat Orange que je voudrais tant reboire, un rouge qui tache d’Espagne. Mais bon …

Non, mon oeil est accroché par un flacon, avec marqué en gros « Sangiovese »

Ooooh, du Chianti? La Toscane me manque, pourquoi pas?

Elle fait un peu piège à touriste cette étiquette non, la fontaine de Trévi, la Vespa? Je le sens pas. Regardons ça de plus près.

Mas du Chêne? Saint-Gilles?

On est en Costière…

Qu’est ce qu’il fout là ce Sangiovese, bien loin de sa Toscane?

« Ils sont un peu fou au mas du Chêne » me dira le caviste, « il est revenu d’un voyage en Italie fou du vin qu’il y avait bu, il voulait tenter l’expérience »

Je le comprends. J’ai un souvenir très ému du Chianti bu il y a quelques mois à Radda in Chianti. Du fruit plein la bouche, « du Cassis », très peu d’acidité, aucune lourdeur.

Ici on part dans une autre direction, on sent la barrique, c’est très vanillé, très agréable, très simple a boire car léger en alcool. C’est un gâteau, très sucré qui mériterait d’avoir une petite framboise à son sommet pour un peu de fraîcheur mais qui remplit parfaitement son office de dessert qui cale en fin de repas. On en reprend même un peu.

Très cool.

On sent peut être pas la patte du cépage, je suis un peu déçu de jouer autant sur le cépage, sur la surprise italienne pour finalement « masquer » le raisin par du bois. On est quand même plus près du Languedoc que de Rome.


Si le souvenir d’Italie n’est pas là c’est vraiment le genre de bouteille qui fait passer une bonne soirée, passe partout juste ce qu’il faut pour plaire à une personne pas amateur de vin, qui sublime un plateau de fromage.

Et puis on sort un peu de ce combo Grenache/Syrah que je bois trop.

Nickel

« Bienvenue chez Rapatel ! »

18h40: « Si vous cherchez un caveau allez au cimetière du coin »

22h30: « Prenez soin de vous les gars, rentrez bien, à bientôt! »


Sur une carte satellite quelques hectares de vignes coincés entre un aéroport, une ligne TGV, une base militaire et une autoroute. Le village d’irrésistibles version Costières de Nîmes. Après des ares et des ares de terres expropriés, de ceps arrachés. Gérard Eyraud est toujours là.

Et il nous accueil en slip et en crocs… Non mais c’est important! Ça donne le ton d’une soirée lunaire, entre humour décapant, savoirs passionnants et amours infinies.

Le domaine Rapatel je suis passé milles fois devant, je me suis quelques fois étonné de voir que de son drapeau Costières de Nîmes il ne restait que le poteau, je me suis posé des centaines de questions existentielles juste devant.

Aujourd’hui on s’est aventuré dans son chemin, sans vraiment se poser de questions, sans y penser, un détour sur le chemin du retour. On s’est garé contre un tracteur, on a entendu Gérard nous dire « restez pas là, rentrez », sans bien savoir s’il voulait qu’on rentre avec lui ou qu’on rentre chez nous, on l’a écouté nous parler de son vin.

Ou bien on a essayé d’écouter ses vins. « Ils me parlent, je les écoute, parfois ils ont des coups de blues », alors il leur met de la musique, entre Cabrel et Schubert, selon leurs envies. Et s’ils ne lui parlent pas ? « C’est arrivé, une fois, j’étais perdu, je comprenais plus rien, j’ai fermé la porte de la cave, je n’y suis plus retourné pendant tout un hiver… Et une moitié de printemps. Et puis j’ai bien du y retourner. Ils ont du se languir de moi, ils chantaient à nouveau »

Mais attention, il essaierait presque de nous faire croire qu’il n’est pas un sentimental. Tout ça « c’est que du jus de raisins fermentés », « ça fait poser des questions mes histoires, moi je m’en pose pas, c’est mon boulot de les écouter, je bosse »

Et on bosse comment chez Rapatel ? « C’est bien simple, moi je fais toujours tout tard. Je vendange tard, bien mûr, je mets en cuve tranquillement, par gravité, je pose le chapeau de la cuve, un peu d’azote à la limite. Et j’attends. »

« J’attends », c’est modeste pour un homme qui travaille non stop, ils sont deux sur le domaine, qui surveille très attentivement ses 40 cuves, qui maintient une hygiène impeccable, qui soigne ses vignes « avec des plantes de mon pays ».

Mais admettons. Il attend. Longtemps. « l’évolution du vin c’est un cardiogramme, il monte, il descend, il vibre. Je veux pas le figer. Il suit son cours, en hiver il fait 3 degrés ici, ça le filtre, là il fait 35 degrés, il mûrit ». Et il nous sert un verre directement à la cuve, à la température ambiante de ce mi Août gardois.

C’est incroyable.


Des cuves il y en a 40, « à peu près ». Entre jungle et cathédrale. En repensant à ses yeux émus en parlant de bourboulenc perdus, ses cuves remplis de millésimes où je n’étais pas forcément né sont peut être une bibliothèque. Une bibliothèque dont les livres s’écrivent encore.

« Il est un peu jeune celui-là ». On acquiesce, c’est un 2011. Une heure après s’être perdus dans sa cave le rapport au temps change, on parle lentement, on savoure, on écoute la lente mélodie du vin qui roule contre le verre, la voix de Gérard qui parle de comment il a redecouvert ses vins après un voyage en Asie. « J’ai découvert qu’ils avaient des goûts que je ne connaissais pas encore », « il faut pas être pressé pour comprendre le vin, enfin j’en sais rien, moi je sais rien »

« Demain on va mettre un peu de Carignan 2011 en bouteilles, une palette, puis on verra plus tard pour le reste. Ça presse pas ». « Combien de temps ils se gardent ? J’en sais rien, faudrait leur demander, les goûter « 


« On goûte un peu tout ça ? »

Je crois qu’il nous aurait ouvert toutes ses cuves, fait goûter « un vin d’un pote qui a ses vignes dans Nîmes », on s’est promis de revenir. Après tout c’est à 5 minutes…

En vrac on est vraiment sur des vins concentrés, avec toujours une intensité en bouche et une longueur folle. Toujours dans un équilibre précaire où il y a beaucoup d’alcool, beaucoup de fruit, beaucoup de sucre mais toujours une buvabilité infinie. Un éléphant qui joue au funambule mais ça passe, par un tour de magie étrange.

Ressortent, pour moi, ceux avec une petite dose d’acidité, un éléphant en tutu. La Petite Signature et Salomé, tout deux de 2014, »millésime surprenant, des vignes et des vins très enjoués », sont des petites bombes. Des vins de soif mûrs.

Arthur 2009 est peut être un rouge parfait. Sisi. Je sais pas ce que ça veut dire mais je le ressens comme ça. Sans pouvoir l’expliquer, juste de l’emballement émotif. Voilà que l’éléphant danse même le long de son fil. Un grand vin rouge sans aucun doute. « Il paraît qu’il y a des notes de vieilles roses », des vieilles roses sauvages alors, qui vont faire chavirer beaucoup d’amoureux encore.

Le Carignan est une énigme. Le 2009 comme le 2011, un alcool omniprésent, des fruits noirs à s’en étouffer . Puis la lumière au bout de quelques minutes à respirer, c’est plus tout à fait du vin, c’est un alcool nouveau, une invention Rapatel? « Le Carignan c’est magnifique, si t’en tire pas des hectolitres ridicules, il te raconte des vieux secrets ».

Et on finit par un blanc, me demandez pas pourquoi, le temps n’a plus de logique je vous dit.

Nadège 2010, on s’attend à un univers d’oxydation, à un goût de carton. Je pense qu’il se trompe et que Nadège est de 2018. C’est un univers de fraîcheur et de minéralité. Il vient nettoyer le palais patiné par le vin rouge, réveiller les langues endormies. On recommence à parler « il y avait la mer ici, mes vignes ont du sel à leurs pieds, je suis plus camarguais que Côtes du Rhône », ça se sent dans le verre, il y a une légère salinité qui ne donne qu’envie d’y revenir plus vite. « Tu bois trop vite toi, il a 9 ans, laisse lui le temps ». Et des fruits qu’on ne connaît peut être pas encore, je lis « ananas », « mangue ». Plus exotique encore.


« Bon, j’ouvre ça puis je vous fous à la porte, faut que les vins dorment « 

Un flacon de 50cl. Il sentira longtemps le bouchon. Il nous laissera la bouteille et plein d’autres, il nous laissera plein de « on se revoit bientôt » et de « vous savez moi si je suis pas là, je suis dans les vignes, ça nous fera une excuse pour promener ».

On se laissera sur cette bouteille. Du Carignan muté de 2005. « Le raisin était magnifique, sain, il fermentait, c’était magnifique. Puis il a commencé à crier, à partir trop loin. J’ai appelé un ami bouilleur de cru, il a fait les 5 heures de routes immédiatement, et dans la nuit on a fait couler de l’alcool »

Me demandez pas ce que c’est. Je lis depuis 24 heures des explications sur le Porto, le muscat ou la carthagene, je les comprends bien, je ne comprends pas comment ce que j’ai dans ce verre peut être aussi bon.


« Ils sont de bonnes humeurs ce soir » dit-il en sentant un verre. Je crois qu’on l’était tous dans la cave, nous de boire des vins si bons et d’entendre de si belles histoires, lui de parler à ses vins, ses petits enfants de courir dans tout les sens.

« Ça presse pas »…

Ocre Rouge, du Champagne dans le Gard ?

Son père fait du Champagne.

Son Grand Père le lui avait appris
Il fait du Champagne
À Dions, dans le Gard

On s’arrête tout de suite, évidemment, techniquement, ce n’est pas du champagne, c’est du mousseux, l’appellation Champagne est limitée à un territoire qui se trouve à 700 bornes de leurs ceps.
Oui mais.




Aymeric et Marceline Beaufort se sont installés en 1999 sur un plateau qui ressemble bien à un petit bout de paradis, où un léger vent frais court le soir et où la construction la plus proche est une vieille bergerie en ruine
Ils ont plantés leurs cépages, les vignes dont le vin coule dans leurs sangs, le Chardonnay et le Pinot Noir.


5 ans plus tard le premier millésime de  « La perle » était mise en bouteille
La perle est un mousseux dont la prise de bulle est faite en suivant la méthode champenoise. quelques mois plus tard on les degorge à l’aide de ces outils dont ma pauvre photo peine a rendre la beauté

Et c’est parfait. En connaissant l’histoire on ressent cette curieuse alchimie, le soleil du sud venant apporter un peu de puissance qui vient équilibrer l’acidité recherchée par le couple.

Aucune idée de si à l’aveugle on croirait un vrai champagne, l’intérêt n’est pas là, évidemment. La Perle est un vrai vin avant d’être un mousseux, un vin blanc classe mais loin d’être délicat, qui n’hésite pas à être plus démonstratif que ses bulles avec une belle attaque qui desarconne un peu si on s’attend à un vin précieux

Le domaine de l’Ocre Rouge propose aussi la perle noire, son mousseux rosé avec son bouquet de framboise et de fruits rouges. Lui aussi très affirmé et démonstratif, tout sur le fruit et ce petit quelque chose acidulé qui marque bien la parenté entre les deux perles.

A côté de ça le domaine offre une large palette de vin rouge, eux aussi très clairement nés de parents nordistes dans des terres sudistes. Un mariage toujours aussi admirablement fait, sans grand écart. Juste de légères notes acidulés qui viennent rendre la présence d’un fruit bien mûr plus agréable, plus digeste.


L’endroit est une vraie pépite, tout près de Nîmes mais déjà paumé dans ces paysages incroyables qu’offre le Languedoc, tout contre un charmant village médiéval et avec le gardon si proche.

Le vin y est pur, le plus naturel possible, sans prise de tête malgré sa parenté avec la Champagne. Aymeric à gardé le savoir-faire et à pris le meilleur du sud.

Des exilés qui profitent de leurs nouvelles vies en garrigue, en faisant des vins qui leurs rappellent à la fois leurs origines et qui portent la marque de cette nouveauté.

En toute discrétion …

Acquae Maltae, on parle de bière ?

Alors pourquoi pas mais j’y suis autant une bille que dans le vin et je n’y ai pas la force de la passion. Autant dire que globalement la bière pour moi c’est pas très souvent, quand il y en a c’est une 1664 blanche et très rarement une duvel pour un peu de folie
Et au milieu de tout ça, quasi jamais, une bière artisanale fait son chemin jusqu’à ma table.
Aujourd’hui c’était celle de la brasserie artisanale d’Aix-en-Provence.

Une magnifique robe orangée comme j’adore, un nez très frais, de la matière en bouche. Beaucoup de matière en bouche même, sans doute la bière que j’ai bu avec le plus de texture, de présence. Ça donne très envie d’y revenir, ça ne se boit pas sans y penser comme une petite bière.
Le tout avec fraîcheur et légèreté, un alcool très peu présent. Une bière d’été
Puis ils font une bière qui s’appelle « Chardon » alors…


Y aura peut être plus souvent de la bière à table

Château Valcombe, le Ventoux des années 2000

Des semaines, des mois que je fais le mariole à dire que j’aime le vin orange. Et dès qu’un caviste me demande pourquoi je panique.. Que répondre à la question « Pourquoi vous aimez le Ganevat? « Ça me fait penser à l’Italie »?

Je me suis dit que je préférais éviter de passer pour un con romantique en une seul phrase alors j’ai balbutié un « j’aime bien le coté oxydatif ». Sa réponse a entraîné une petite heure de dégustation, « Ha ben attendez j’ai des vieux Cotes du Rhône à vous faire goûter! »

C’est quoi un vin oxydatif? On peut parler de notes de noix, une saveur noisetée, d’olives vertes. Moi j’y trouve toujours un quelque chose de salin, d’iodé. Mais c’est tourner autour d’une saveur, aussi compliquée à définir que l’amertume par exemple. Le plus démonstratif c’est les vins jaunes du Jura ou les vins de voiles de Gaillac. Les vieux vins peuvent évoluer dans ce sens, la nuance entre un bon vieillissement et un mauvais dans ce sens me parait pas forcément évident, une part de subjectivité évidente. Je suis pas sur que mon coup de cœur pour ce vin blanc de 2000 puisse être partagé par tout le monde.

De manière générale l’oxydatif est moins simple à appréhender que le sucré ou le boisé, moins simple à aimer sans doute. Moi j’en suis fou

Et c’est une démonstration incroyable de la complexité et de la palette que cette saveur peut avoir qu’on a eu en bouche ce jour.


Château Valcombe 2005 et 2000. On est tout près de mon Ventoux, dans l’AOC du même nom.

Le 2005 a une magnifique robe dorée. Et? Ça fait vieux vin? Absolument pas, c’est d’une fraîcheur phénoménale avec une petite surprise à la fin. Je ne saurais pas décrire ça autrement qu’avec du mouvement. Ça commence très simplement, très frais, avec une longueur en bouche sur des notes très vertes, genre menthe, avant de monter vers quelque chose de vraiment noisetée, l’oxydatif. Monter dans le sens que le gout va évoluer plus haut en bouche, vers le palais et le nez. Monter dans un sens musical d’une montée en puissance, dans l’intensité, l’énergie, la façon de résonner avec le corps.

Puis ça vient redescendre joliment, en douceur, tout en finesse. Un petit gout d’amande qui vient envelopper le palais.

Voyage génial juste avec un verre. L’impression que ça a duré de longues minutes, que ça évolue en bouche autant que ça a évolué en bouteille en 14 ans. 6 heures plus tard, après ces trois vins, j’étais persuadé d’encore avoir en bouche un quelque chose joliment oxydé.

Le 2000 est beaucoup plus monolithique en comparaison. L’impression de croquer dans un bout de fer … Pas forcément emballant comme ça. Très démonstratif, clairement clivant. Je n’en boirais pas tout les jours, mais pour l’expérience, pour la démonstration de ce que peut devenir un vin blanc, pour la puissance que ça dégage c’est passionnant. On est presque plus sur du vin, peut être plus proche du Whisky, des notes brûlées, du fruit cuit, du tabac. Très fou.

Et le plat de résistance n’est pas encore arrivé.

La Sereine 2000, la cuvée au dessus. Le caviste nous le présente comme un vin ayant gagné le titre de « Meilleur vin du monde » une année. Je peine à trouver des sources sur ça malheureusement. Laissons un nouveau mythe se créer, le meilleur vin du monde était,un jour, un AOC Ventoux.

Et ça ressemble à quoi 19 ans plus tard?

C’est fruité! C’est marrant cette impression de croquer dans un abricot vieux de 19 ans. Mais qui aurait le gout d’un fruit qu’on vient de cueillir. Rien de confit, de cuit. Pas d’alcool, rien de brûlé comme l’était le précédent mais la même démonstration, la même intensité.

Et effectivement le parallèle avec le vin orange est intéressant. Avec le temps ce vin a très clairement développé des qualités que je pensais réserver à mes petits vins blancs de macération, la fraicheur, l’amertume, l’intensité, l’attaque, une longueur en bouche, un alccol parfaitement fondu au reste du vin. Et cette oxydation donc. Sans les tanins par contre (qui viennent toujours de la rafle et donc qui apparaissent avec une macération), donc légèrement plus simple à boire, moins « rapeux » dans la texture.

Et cette longueur, cette persistance des arômes. Comme si le vin avait tapissé le palais et que l’oxydation portait les arômes fruités et salins, les faisait persister. Très très agréable.


Et puis ce que ça marchait bien avec un des meilleurs saumons que j’ai jamais mangé..

Merci le Vin de Nos Pères pour ce très bon moment.