Un Week-End en Ardèche

C’était très prévisible. Mais donnez moi une région où il fait frais, il y a des vaches, des vallées sinueuses et du vin nature qui coule à flot et je serais heureux. J’étais jamais allé en Ardèche et le samedi matin je me réveille en voyant sur l’appli Raisin qu’il y a un salon de vin à Saint-Pierreville. Même pas le temps de regarder où c’est exactement ce bled que je suis dans la voiture pour trois heures à sillonner entre Cévennes et Ardèche.

Direction Asssoiffé de Nature

Un Week-End en Ardèche

Le salon de vin nature le plus paumé de France cherchez pas c’est là. Prenez une carte, Privas parait pas loin à vol d’oiseau, c’est une heure de route en zigzag, je vous parle même pas de Valence ou Montélimar. Routes magnifiques,évidemment, on croise des ruisseaux, passe des cols, traverse des forêts. Les paysages que j’aime passionnément.

Et au détour d’une route un petit village, un de plus, je me gare, je cherche la salle des fêtes, voit d’autres personnes paumées, les suit, on descend une départemental, un dernier zigzag et on se retrouve devant un chapiteau. Une grosse vingtaine de vignerons de la région, des gens qui s’amusent. Let’s go!

Le Mazel: Les parrains du vin naturel ardéchois, dans ces régions méconnues du vin il y a souvent une locomotive qui a commencé dans les années 80/90, ici c’est Gérald et Jocelyne. « Tout le monde ici est passé, à un moment ou à un autre, au domaine, pour plus ou moins longtemps, faire une vendange, goûter les vins, discuter ». Alors on goûte.

Avec ces entrées de gamme du domaine c’est une espèce d’explication de ce qu’est l’Ardèche et ses cépages. Un viognier précis, loin des exubérances d’arômes que cette variété peut parfois avoir. « Raoul » est un pur carignan de plaisir, qui rafraîchit et éveille le palais, « Briand » est un grenache tout sur la cerise, pareil joli et glouglou. J’imagine qu’ils font des choses plus sérieuses et profondes, ici c’était une entrée de salon nickel, gouleyante et tout sur le plaisir. Ca donne envie de gouter le reste.

Sylvain Bock: Je déguste avec des parisiens qui m’expliquent l’omniprésence de ces vins dans la capitale, Sylvain sourit, « c’est rigolo les modes ». Comme les vins du domaine Mazel c’est précis, très propre, avec une jolie acidité. Pas spécialement élégant mais gourmand, digeste et sourieur. De jolis vins. Encore une fois le blanc « A la Fraiche » est celui qui m’emballe le plus, on l’imagine évidemment parfaitement pour se désaltérer tout l’été, « Bascule » lui est un joli Carignan 2019 qui pète de fruit. Dans le monde du vin nature tout le monde ne jure que par les vins digeste et glouglou mais ils sont finalement si dur à trouver avec une réelle qualité. Ici s’en est un. Nickel

Alors dans un salon tout n’est pas toujours parfait dans le verre, le vin n’est pas toujours à sa place devant la foule et dans des conditions de conservation pas terrible, on peut même imaginer qu’il y ait quelques cuvées pas terribles. Ou bien le vin ne marque pas mon esprit tout simplement, malgré ses grandes qualités. Dans ce rayon là pensées pour « Dithyrambe » du domaine Pierre Rousse qui est un sirop de grenadine parfait mais dont le reste des cuvées me passent au dessus tant ce sont de gros merlot très vert. « Kidiglou » du domaine Badea est une fin de bouteille qui commence à avoir un peu chaud mais qui garde de beaux arômes bien équilibré.

Et, à l’opposée, il y a les rencontres. Un québécois un peu exubérant crie au monde entier qu’il faut aller goûter un Cinsault, alors je vais au stand, le vigneron, Sandro, te prend direct sous le bras comme si on était potes depuis toujours, t’emmène tester ses stands préférés du salon. Domaine de la Sarbèche par exemple. J’en parlais ici l’appellation Saint-Peray est une petite bande de terre dans les Côtes-du-Rhône uniquement de blanc. Et ceux de Sarbèche sont de magnifiques vins, élégants, structurés, qui sortent du lot au milieu d’un salon au niveau moyen très bon mais surtout dans le vin glouglou, fruité et facile à boire.

Toujours guidé par Sandro, je revois Elodie du Clos des Cimes que j’avais déjà eu la chance de croiser. De l’autre coté du Rhône, au nord du Mont Ventoux elle produit des vins fins, racés et mordant avec beaucoup de savoir faire et chaque discussion avec elle me donne l’impression d’une rare sensibilité et technicité dans la vinification. La « Timidité des Cimes » est un rouge à la macération courte pour un vin frais et gouleyant là ou « A Fleur de Peau » est une syrah charnue et chaleureuse. Tout ses vins se tiennent, ont le même niveau d’exigence et apporte le même plaisir en bouche. Et puis il y a « l’Elfe Doré » un blanc un peu sucré , un peu pétillant, un peu enfantin. Le vin parfait pour une petite pause près du ruisseau, les pieds dans l’eau.

Grand domaine de mon petit cœur.


Et ce Cinsault alors ? Sandro est la moitié de Trescol é Bouit, son binome étant son vieux pote Jonathan qu’il a poussé à le suivre dans l’aventure vineuse après être tombé en admiration du travail du domaine Dard & Ribo immense nom du nord de la vallée du Rhône. Après de belles découvertes à leurs cotés et d’autres jolis nom du vin que j’aime, ils se lancent, dans le nord de l’Ardèche, tout près du lieu où se tient le salon, avec l’ambition de faire des vins à la même dimensions que leurs aînés.

Et c’est banco, et pas qu’un peu. Un Viognier que c’est du melon tellement que c’est l’été puis un rosé nerveux et tendu. Et les plats de résistances arrivent. Le « St Sôt »… Je suis amoureux de ce cépage et il me le rend bien, celui ci est épicé, gourmand, presque chocolaté. Le jus est mur, plein, suave. Et tu te retrouves vite mur, les verres s’enchaînent, Sandro sort un assemblage 50/50 Syrah/Cinsault « Cylinss 2019 », « on a fait la mise en bouteille y a trois semaines, on attend un peu, chuuut ». Et ça goûte magnifiquement le fruit rouge de la Syrah et l’épice du Cinsault, le fruit rouge du Cinsault et l’épice de la Syrah… Enfin les deux se complimentent parfaitement, c’est fondu, c’est coquin, c’est passionné et passionnant.

Derrière c’est une démonstration d’un juste milieu entre technique et espièglerie. Un Marselan qui n’a rien à faire là et qui rigole d’être en Ardèche, le Grenache rieur, le 100% Syrah qui montre que c’est pas des billes en vin profond et sérieux. Et puis Sandro c’est un des organisateur de ce cirque, il saute un peu partout, vérifie que tout le monde va bien, bois des verres de dégustation de 1L puis te parle pendant 15 minutes de ses pigeages et de l’importance des soutirages.

Après ça c’est définitivement compliqué de tenir la cadence. Et pour les vins et pour moi. Les vins d’Andra Calek autre petite star de cette Ardèche nature, une des raisons de ma venue ici, ne m’impressionnent pas. « Babiole » est un joli vin qui se moque bien de la starification que tu fais de son petit producteur, un vin tout simple, pas impressionant, discret, presque absent. Une babiole mignonne.

Je passe de jolis St-Joseph en jolis Cornas, le niveau moyen de ce salon est quand même très élevé. L’Ardèche c’est aussi la classe des Côtes-du-Rhône nord, la Syrah magnifique de l’Hermitage, qui enveloppe tout le palais, une texture onctueuse et des tanins soyeux. Mais bon, à la fin tout se ressemble, si j’étais venu avec l’envie sérieuse de déguster, de noter dans mon petit carnet, je me retrouve vite emporté, ça déconne entre ardéchois et québécois, le ruisseau devient un terrain de batailles navales. On est sous un cirque après tout.

Au milieu de cette belle folie un domaine sort du lot. J’en parlerais ailleurs, bientôt, tellement il est hors du temps et du moment et que c’est une rencontre marquante pour moi. Ici je vous laisse l’Ardèche, la vraie, la folle, la sauvage, la paumée. On reviendra sur l’Ardèche géniale, cérébrale et émouvante.

Là c’est le temps du dernier verre, une bouteille qui traîne par là, « le dernier rang », c’est adapté. Pierre Bourlier quoi que tu fasses continu. C’était méchamment bon.

Une belle carte postale mentale.

Un Week-End chez Dominique

Les Alpilles en fond, 50 purs sang Arabes, des Cinsaults magnifiques.

Je vais pas vous resservir la carte postale qu’on lit sans cesse sur le domaine Hauvette, même si on n’arrête sans doute jamais de s’émerveiller devant tout ça.

C’était la carte postale d’un week-end chez Dominique Hauvette.

Une fête pour ses 70 ans ? Son titre de meilleure vigneronne de France par la RVF ? Pour montrer qu’elle est toujours là, malgré le temps qui passe, les accidents, les critiques, les succès ? Elle préfère parler d’une fête pour ses 33èmes vendanges… Quand son filleul prendra la parole le temps d’un discours balayé par le mistral il dira « Ma marraine m’aura fait trouver dieu et la spiritualité par des chemins de traverses. Elle qui m’a fait boire mes premiers verres de vin ».

Y a de ça.

Tout a commencé le vendredi, repas intime au pied des oliviers, Antony Cointre en chef cuistot pour les amateurs de name dropping, Gargantua en chef cuistot pour ceux qui le connaissent.

Dominique qui passe en coup de vent poser sur notre table une quille de Jaspe 2018, son blanc à dominante de Roussane et Cornaline 2012. Je me tait, j ‘écoute un rédacteur de la RVF simplement dire que c’est un des meilleurs vins qui lui ait été donné de boire. Je souris en me disant que je suis pas le seul à avoir l’exagération facile.

Je plonge mon nez dedans.

Ouuuf c’est bon.


Et le lendemain le plat de résistance, 13 heures.

A peine arrivé un ami caviste me remplit mon verre d’un joli rosé, mon premier de l’année je crois, en tout cas le premier à marqué ma mémoire, à me rappeler qu’un rosé c’est un peu plus qu’un vin qu’on oublie. Mas Jullien

Mais la maîtresse de maison c’est madame Hauvette et elle ouvre un vieux blanc de 2001 « avant que je sois connue ». Ça a la fraîcheur et l’insolence d’une femme qui rentre dans la vingtaine, ça te fout une petite claque puis une bise sur la joue. Un vin taquin.

Puis Améthyste 2009. Améthyste ça ne rigole plus. Ou alors c’est le rire sérieux que te donne une œuvre d’art qui te bouleverse un peu. 80% de Cinsault, élevé en œuf en béton, un nez qui te laisse à penser que tu te roule sur un flanc de montagne couvert de framboisier, une bouche à l’élégance absolue, la classe folle et une finesse qui touche la perfection. Je suis absolument amoureux du 2017, le 2009 lui a gagné en sérieux, encore plus en dentelle avec cette jolie patine du temps. Ce qu’il a perdu d’arrogance il l’a gagné en sagesse pour mieux laisser penseur. J’aime ce vin.

Et il y a les invités, « s’ils sont pas trop salaud ils devraient amener une quille ou deux de leurs vins » avait prévenu Dominique. Les cartons qu’ils emmènent s’entassent derrière le bar.

Guillaume du domaine de Sulauze, bien inspiré par le travail du domaine Hauvette, te fait goûter Chapelle Laique, un vin à majorité de Cinsault élevé en diamant en béton… C’est très bon, ça ne boxe pas dans la même catégorie qu’Améthyste mais c’est un vin de copain qui boivent sans soif, qui discutent un peu fort et se disputent parfois mais qui peuvent se réconcilier autour de Sciaccarellu, autre vin de Guillaume qui s’amuse avec ce cépage Corse, un vin plus structuré, plus profond. Domaine de Sulauze y a quand même l’assurance de passer un bon moment et de pouvoir boire une de leurs bières pour se rafraîchir.

Ronald aussi doit bien être inspiré par Hauvette, il y a travaillé un peu, avant de lui racheter des vignes dans le Roussillon. Dont il sort une Syrah toute douce et un Maccabeu aux amers trop rares dans le paysage sudiste. Les étiquettes m’appelaient depuis un petit moment, j’aurais du craquer plus tôt.

Fanny Daher elle travaille à Sulauze, et à coté elle achète de « jolis raisins » et elle fait de jolis vins. C’est aussi simple que ça. En apparence bien sur. En creusant un peu c’est son deuxième millésime, elle balbutie encore pas mal, normal. Elle a un peu foiré quelques hectos de son pétillant, une barrique ou deux feront du vinaigre. Normal. Ce qu’elle vend par contre est très bien. « Copinages & Crustacés » en plus d’être un nom de cuvée au poil et un vin blanc sur l’acidité qui te donne envie de croire que t’arriveras à passer l’été et les canicules, « La pétillante » est un petnat tout agrume aux bulles fines te laisse même à penser que tu feras quelques bons apéro. Bref des vins à grande buvabilité avec une touche toute féminine et sensible.

Une petite pause avec une quille Hauvette ? Dolia 2009, un élevage d’un an en œuf ici aussi. On quitte les blancs d’apéros et on rentre dans les grands blancs, ceux qui te tiennent la table, ceux qui vieillissent magnifiquement et gagnent en précision avec le temps. Henry Milan est dans le coin, pas grand chose le fait s’arrêter de parler à part une gorgée de ce vin. Sublime.

Au loin le gargantuesque Antony Cointre m’appelle et me sort de ma rêverie « Hé le jeune goûte ça » et il me remplit mon verre. « Chut dit pas trop fort que c’est pas terrible ils sont juste là ».

Les Breton ils me suivent, sans le savoir, dans chacune de mes buveries, de la première fois où j’ai goûté un de leur Cabernet Franc et que je n’arrêtais pas de dire que je n’aimais pas tout en me resservant des verres, à l’Italie en passant par Brighton, y a toujours eu des bouteilles de ces grands noms de la Loire pas loin. Et d’un seul coup je suis à leur table. Ok

Je suis déjà un peu moins ok quand je comprends que Foillard est juste à ma gauche, que Richaud se sert un verre d’Ebrescade à ma droite et qu’on remplit mon verre d’un Champagne Larmendier

Y aurait presque une querelle des anciens et des modernes qui se crée intimement en moi. Me faire petite souris silencieuse au milieu de ces grandes personnes ou aller parler avec les copains de chez Sulauze ou de la Ferme Viticole. Michèle Aubéry du domaine Gramenon prend la décision pour moi en commençant à me parler, je lui glisse que ma mère m’a offert un de ses vins pour mes 22 ans, elle rigole en comprenant que je connais sa vie comme si j’avais lu une biographie sur elle, on boit un magnum de Poignée de raisins comme si c’était du petit lait. Le juste milieux entre vin de soif et vin sérieux il est là. Tu t’amuses en le buvant et ça te donne envie de parler de philo et d’enracinement de grenaches centenaires. Je la remercie chaudement pour le quart d’heure de bons mots qu’on vient de passer, elle m’invite à passer au domaine, elle m’encourage pour les quelques ares de vignes dont je m’occupe.

Personne la plus douce avec qui j’ai eu l’occasion de parler. Vin le plus doux et agréable que j’ai bu.

Puis les souvenirs deviennent plus flou, l’aprem est passée sans y penser, un deuxième repas se formente, on passe de table en table, d’amis en amis, d’inconnus en connaissance.

A la table du domaine Belluard, à parler de transmission, des « fils de » qui doivent souffrir de l’ombre de leurs parents, des gens sans terre qui prennent en fermage quelques hectares et se lancent. Parler du cépage Gringet aussi, qui ne pousse qu’au pied du mont-blanc et qui donne cette flamboyante cuvée:

A la table du mas Libian, à parler pétanque évidemment et renaissance des appellations. A parler de l’obligation d’être humble face au terroir, de pas forcer le terroir à sortir des vins profonds si c’est une terre d’où sort des « petits vins de rigolades »

A la table de la Tour du Bon à parler d’Amphore, que c’est beaucoup trop cher et chiant à nettoyer, que c’est devenu bien trop la mode, mais que «putain c’est bon » lâche Antony pas trop loin.


Retour au bar, du Dominique Hauvette coule à flot. On profite de la magie. Roucas 2018, le vin plaisir, Petra le rosé élevé en œuf qui te taquine la gorge avec son joli alcool tranchant.

Dominique 70 ans est magnifique dans sa robe provençale, elle vole même la vedette à ses propre vins. Pourtant elle se voudrait discrète, elle chuchote « mais pourquoi il est aussi bon ce vin ? » en trempant les lèvres dans un vieux rouge des années 90. Elle parle de chevaux, de son amour pour les chiens, elle n’arrivera pas à dire bonjour aux 200 personnes présentes, elle écoutera d’une oreille distraite les discours flatteurs, elle jouera avec un bébé plutôt que de goûter les verres tremblant que de jeunes vignerons lui proposent.

Son vin lui ressemble absolument. Il y a le terroir des Alpilles, il y a les œufs, il y a un amour profond de la nature mais il y a surtout Dominique.

Ses vins portent son sourire sublime et rare. Ils ont, je me répète, l’élégance de celle qui se fait discrète et la beauté désarmante de la franchise.

Il y avait les Breton, il y avait Foillard qui parlait de Chauvet, il y avait la famille Durrbach et du champagne de Jacquesson mais le plus beau vin était celui de Dominique. Sans discussion.

« Je veux des vins qui laissent une bouche fraiche, pour qu’on en reprenne encore ».

On en a beaucoup repris.

On s’est fini la soirée avec des quilles qui traînaient. Des trucs amenés par des cavistes, on avait peut être pas vraiment le droit de les ouvrir. Surtout quand tu regardes le lendemain le prix.

Des choses comme ça.

Ca n’avait pas la folie des verres signés Dominique Hauvette.

Je me suis endormi au pied des Alpilles, juste contre des Marsanne du domaine.

Les cigales se sont mises à chanter ce jours là. Je vous jure. Pile pour la fête de Dominique.

Le lendemain elles étaient plus en forme que nous. On a pris un brunch, le regard un peu hagard, on s’est siroté des bières de Sulauze, Antony Cointre a finit son cirque avec un dernier tour gourmand, on s’est sifflé un verre de pinot du domaine des Bott. Ça passait tout seul. Parfait.

L’impression de vivre dans une carte postale.

Merci Dominique. Pour la fête et pour avoir enfanté milles fois ces vignes pour nous donner ces vins sublimes

Padawine, vin optimiste

Je ne sais pas pourquoi mais le fait que Romuald Cousy, vigneron du domaine Ambitio à Villeneuve de Duras , ait commencé avec quelques petits hectares de vignes, à seulement 22 ans me plait. Et me fait encore plus aimer son vin.


Mais ça à l’ouverture de la quille je n’en savais rien, finalement chaque dégustation est un peu à l’aveugle. On a les mots du caviste « je sais pas, je l’ai pas bu, mais le reste du domaine c’est canon », la couleur du vin dans cette belle bouteille transparente, l’étiquette magnifique.

En soit pas grand chose, mais au final c’est aussi ce que j’aime dans le fait d’aller prendre un vin un peu au pif dans une cave. A l’aveugle.

Et là, la lumière, cette contre étiquette:

Vigneron optimiste…

Trop bien! Deux mots comme un CV, comme un slogan, comme un état d’esprit. Ça fait du bien à lire, ça fera du bien à boire non ?

Pour ma défense un orange ça faisait longtemps, tant pour le blog que mon gosier. Alors j’ai le droit !

Avec le temps mon espèce de folie autour des vins blanc de macération passe doucement , j’aime toujours autant ça mais le côté nouveau jouet s’envole un peu . Ma manière de déguster de manière générale s’assagit, moins de folie un tout petit peu plus de savoir.

A peine plus hein.

Et c’est très bien j’imagine, mais des fois ça me manque. Puis c’est souvent si dur de trouver un bon vin orange…

J’étais donc pas lassé mais juste prudent à l’idée d’en boire, avec de l’espoir quand même.

Et un brin d’optimisme. Toujours, il en faut.

Et oui, ça fait du bien à boire. Vraiment.

C’est un grand vin orange, comme ça existe si peu en fait. Celui qui a la mineralité, la fraîcheur d’un blanc vif, les tanins ronds et soyeux d’un grand rouge tout en nuance. Ça pourrait être fruit confit si c’était pas tout en nuance, fruit rieur et gourmand, rondeur et caresses.

Cousy Romuald en un verre il m’a donné un grand sourire. De ses quelques terres dans le sud ouest il paraît qu’il en fait d’autre des vins sublimes, un Merlot en macération carbonique, un cabernet sauvignon pétillant et autres sorcelleries… Tout ça en étant dans la vingtaine, en s’engageant fortement dans l’écologie, en tentant des choses.

Un vin qui rend content de savoir qu’il existe, content de le boire, content de savoir qu’on peut faire ça à 22 ans.


Trop bien. Tout simplement.

Optimisme communicatif…

C’est pas Graves

J’ai une amie qui dit toujours « C’est pas grave »

Et elle a raison, c’est rarement très grave. Alors on s’est dit qu’on allait prendre cette bouteille et la siroter dans nos vignes (oui, il y a des messages subliminaux dans les articles 2020 de ce blog).

Mais là! Ça aurait été dramatique de passer à coté. Ce qui aurait bien pu m’arriver, déjà de base le jeu de mot avec l’appellation m’est bien passé au dessus puisque je suis une bille en Bordeaux. Et à priori Merlot, Cabernet Sauvignon c’est pas tellement ce dont je raffole. Mais c’est pas grave, prenons là, ça fera un beau pique-nique.

Quelques fromages, aux pieds d’oliviers sublimes, moment de pause pendant la taille.

Pour les pignoufs comme moi qui n’y connaissent rien en Bordeaux, Graves c’est donc une appellation de ce coin là, le long de la Garonne, composée de gravier, de Merlot et de barriques neuves. Et ce vin vient de là, même s’il dit l’inverse, parce qu’on lui a refusé l’appellation. Tant pis

Dans ma tête pleine de préjugés y a donc la peur d’avoir un vin confituré, très mur, très boisé. Peut être même vanille ou tabac quoi. Un peu lourd en somme.

Evidemment, on est loin de ça, y a un fruit bien mur oui, mais qui ne te chope pas par l’alcool mais par le fruit, jus de raisin. Y a bien un peu de confiture mais celle de mère grand, gout oublié. Un peu de bois mais celui de la forêt quand on va chercher les champignons le dimanche.

Ça se boit tout seul, je sais je dis ça de tout les vins, mais y a ici le joli twist que ça a quand même la gueule d’un Bordeaux, on est pas sur une macération carbonique, ça pourrait même plaire aux cinquantenaires un peu coincés.

Vin de pique-nique ou de dimanche midi en famille quoi.

Vin de printemps précoce.

Même qu’il fait trop beau et que ça fait pas un mois qu’on s’occupe de vignes et qu’on est déjà inquiet du climat.

Mais c’est pas grave. J’imagine .

J’espère…

2020, Il Fait Soif

Bonne année!

On est le 25 janvier, autant souhaiter joyeux noël aussi. Comme ça c’est fait.

On est le 25 janvier et j’ai envie de manger 2020, de boire cette année, de la fêter et de la célébrer.

2020 j’ai soif, très soif.

Soif de vin, de rencontre, de passion, de discussion, d’action.

Du vin on en parlera, on en boira, on en fera même peut être en 2020. Pourquoi pas? On verra. On traînera dans les vignes, c’est sur, on s’allongera contre, on les embrassera.

En ce moment je taille la vigne, quelque part près de St Rémy de Provence. Ça me donne soif. Soif d’en faire plus, soif de voir les bourgeons débourrer, les feuilles sortir, les raisins mûrir.

Mais pour l’instant la vigne dort, le sol se repose.

Je sais pas si ce billet est trop clair mais j’ai soif. Très.

Et j’arrive pas à me rassasier.

Alors cette bouteille tombe à pic:

Cette quille je la vois depuis un an. Dans toutes les caves où je vais je la vois, je m’arrête toujours un peu devant son étiquette, je me dis (où je m’exclame selon avec qui je suis) qu’il est bien moche ce trait de peinture, puis je pense qu’il fait soif c’est vrai. Mais j’ai la certitude de la retrouver ailleurs cette bouteille, alors je la laisse là.

Et puis, et puis merde, un jour faut bien la prendre, faut bien voir ce qui se cache derrière cette etiquette et cette promesse d’un verre désaltérant.

Déjà ce vin il fait 13,5°. C’est quoi cette histoire? Je voulais un vin rouge léger qui me rappelle l’été, les fruits à venir, l’ombre des feuilles. On a soif d’accord mais on va pas boire ça comme un verre d’eau.

Alors on se penche, un peu hésitant, au bord du verre, on hume un peu. On a bien fait d’être prudent, on aurait pu tomber dedans tellement c’est saisissant, plein de fruit, de fruit d’été, ces baies dont on oublie le gout le temps de l’hiver. C’est presque émouvant d’ouvrir ça en cette saison, ça rappelle des souvenirs qui viennent de passer et des sensations qui reviendront seulement dans quelques mois.

Et en bouche? En bouche on refuse de croire ses yeux qui lisent 13.5°, on ne sait plus quel sens croire

Acidité? Volatile? Savoir faire?

Je sais pas si je comprendrais un jour la magie autour de ces vins bourrés d’alcool qui se boivent comme du petit lait mais c’est souvent mes plus gros coup de coeur.

Celui ci déroge pas à cette règle, bien au contraire.


Enfin tout ce que je voulais vous dire c’était bonne année, ce blog est pas mort je vais encore me pâmer devant quelques bouteilles, et cette année on va faire milles choses. (genre, mais genre faire du vin hein, au cas où l’info soit trop discrète).

A bientôt!

Le Spumante à l’aveugle

-Francese?

-Si

-Come here Asterix, you’re gonna see something amazing »

Un Italien dans un bar

Bon, on a assez dit qu’il y avait quelque chose de magique autour du vin. Ce blog ne parle que de ça, la Bible et Baudelaire aussi.

Peut être à voir avec ses senteurs d’encens, sa couleur ténébreuse, son gout de mystère. Sans doute avec sa facilité à rapprocher les gens.

Ce soir là il y avait un peu de tout ça. Une femme de vigneron italien, quelques restaurateurs, un français, une néo-calédonienne, un Australien, Dieu et Baudelaire

Autour d’un seau à glace et trois bouteilles cachées sous un voile noir.

Du vin, du mystère et des hommes


Après ce verre de Barolo je pensais la soirée finie. J’avais bien mangé, déjà bu un vin magnifique, rencontré des gens sympathiques et bien ri. La journée aurait pu se finir là qu’elle aurait déjà était parfaite.

Alors en sortant je regarde d’un air amusé mes rencontres d’une journée s’affairer en terrasse. Ils ont bien bu, ça se voit, ils ont une bonne longueur d’avance sur nous, mais ils ont de l’entrainement. Il y a dans le tas des restaurateurs qui auraient gagnés le prix de l’osteria de l’année, un instagrameur sur le vin et tout le petit monde dans mon genre qui navigue autour du milieu du vin. Je ne sais pas ce qu’ils font. Il s’échangent des billets de 50, rigolent, semblent se taquiner en italien, l’un d’eux prend une carafe plein de vin orange et en boit une lampée. La nuit est pleinement tombée, noire, sombre mais agréable. Le temps est bon et doux.

Une scène de film. La dolce vita qui aurait oublié l’amour et la légèreté et n’aurait gardé que le plaisir.

Alors que je vais pour leur dire au revoir un des restaurateurs me lance un regard de défi. « You liked our bottle? ». Un peu inquiet de ce que signifie sa question je lui répond que oui.

« Oh you’re about to love this »

Et il rigole en apportant trois bouteilles masquées par des chaussettes.

Et on est pris dans la folie de l’hospitalité italienne…


Je n’avais jamais fait de dégustation à l’aveugle. C’est vrai, vous lisez des articles écrit par quelqu’un qui n’avait jamais fait ça, ni de salon, j’ai même jamais bu de Bordeaux. Mais je me soigne, doucement. Sauf pour le Bordeaux..

L’avantage de la nuit, de la frontière de la langue, de leur folie et de mon calme de celui qui pense qu’il va bientôt dormir me permet de boire tranquillement, sans avoir à essayer de mettre des mots, sans avoir peur de dire des conneries.

Je peux donc librement tendre mon verre, qu’on remplit généreusement. Une fois, deux fois, trois fois.

Wow…

C’est bon. J’aime. C’est la seule chose que j’ai su repindre quand on m’a demandé ce que j’en pensais . « Mi piace ».

Mais encore ?


Les trois sont des bulles. J’imagine que ce doit être des Spumante. Ne sachant pas le but de cette dégustation je me demande si la deuxième bouteille n’est pas un Champagne qu’il faudrait reconnaître au milieu des pétillants italiens. Avant que Fulvio m’explique qu’un certain Nicola Gatta fait partie des membres de cette drôle d’assemblée. Il est vigneron. Et un de ces vins est le sien. Les autres connaissent bien ces trois vins et doivent deviner lequel est de Gatta et voir si à l’aveugle, sans sentiment, il sort du lot.

Le premier, à posteriori, n’est pas une claque. Je suis heureux de le boire, comme une petite souris qu’on invite à participer à une fête qu’elle pensait juste regarder de loin, ses notes de pailles me surprennent, mais il est dissocié, comme pas à sa place dans une ambiance trop folle pour un vin très sérieux.

Le deuxième, en arrogant petit francese, c’est du Champagne. C’est élégant, pure, net, ça appelle des huîtres, c’est légèrement salin, le gout de paille disparaît du verre pour laisser place à la poire, la mirabelle, l’amande en toute fin. Tout est en finesse, en nuance,toute la ville de Plaisance se tait pendant que l’on boit ce verre. Plaisance…

« Is this Chardonnay? » demande la nouvelle Calédonie, « please wait » répond l’Australie.

Et le troisième? C’est sauvage, fougueux, plus rustique peut être mais avec plus d’énergie, de passion, d’envie. Les bulles tapent contre le palais, ricochent, heurtent un peu mais cajolent ensuite, réconfortent, apaisent. L’alcool s’invitent à la ronde des saveurs, il est mordant, puissant, enivrant. Et puis une longueur… une longueur… L’Italie.


Moment de révélation:

Des cris dans la rue noire et vide, encore plus de rire, une personne la mine défaite, et des rires encore. « Ooooh Nicola! »

On me présente Nicola Gatta. Enfin on présente « Astérix » à Gatta.

Son vin c’est le troisième. Il a l’air content de lui. J’imagine qu’il peut. Je bafouille un remerciement pour son vin. Il me regarde l’air surpris, me dévisage, avant d’ouvrir un énorme sourire et de dire dans dieu sait quelle langue.  » Memoria (la deuxième bouteille) est meilleure ce soir non? »

Je sais pas. Si j’ai rebu du Gatta dans la soirée en traînant à ses cotés j’ai plus revu un verre de Memoria passer. Memoria c’est bel et bien du Chardonnay, tout le monde est d’accord pour l’élire meilleur des trois.

Je donne la médaille du plus marquant à Gatta par contre. Et pas juste pour le remercier des autres bouteilles qu’il allait ouvrir ensuite. Mais parce qu’il a la fougue de ce que je crois être les immenses vins.

Par contre, à la fin de la soirée, au début de la journée, je suis tombé sur une bouteille seule, laissée là au hasard. J’en ai bu la dernière goutte, seul, au hasard. Au calme. Cuvée 60, la première bouteille, était bien plus à sa place, toujours aussi peu bavarde mais plus agréable, plus appréciable. Toujours aussi sérieux.


Avant ce dernier verre il y a eu beaucoup de « juste un dernier alors » dans une langue que tout les amateurs de vin du monde comprennent. Beaucoup de pétillants, du Champagne aussi, pour faire plaisir au francese, pour encore prouver que l’Italie n’a pas à rougir surtout.

Le lendemain des photos pleins le téléphone, des bouteilles sans nom, des visages flous. Compliqué de remettre des émotions, des goûts sur la plupart des vins.

Soirée la plus folle de ma vie dont je vous laisse en lecture que le plus raisonnable. Le reste ne serait que « Ooooh mi piace! ».

Reste des souvenirs qui me donneraient presque l’impression de savoir parler italien.

Est ce qu’une fois que j’ai bien bu du spumante je deviens bilingue?